Au cours de la nuit du 1er au 2 novembre 1976, une explosion visait la résidence parisienne de la famille Le Pen. Le jour suivant, lors du journal télévisé du soir, le chef du Front national s’exprimait au milieu des ruines causées par l’attentat.
« Cela fait partie des [attentats] les plus violents ayant eu lieu récemment », déclare Roger Gicquel lors du journal de 20 heures sur TF1, le 2 novembre 1976. La nuit précédente, un immeuble situé dans la villa Poirier, dans le 15e arrondissement de Paris, habitée par Jean-Marie Le Pen, sa femme et leurs trois filles, a été détruit par une explosion. Cet événement marquant de la vie de la famille Le Pen refait surface suite à la disparition du fondateur du Front national, survenue le mardi 7 janvier.
Parmi les ruines, quelques heures après l’attentat, le dirigeant du Front national exprime : « Il est indéniable que cet attentat visait à tuer de manière indiscriminée et cruelle, et que c’est une chance incroyable que ce ne soit pas le cas. » Jean-Marie Le Pen, son épouse Pierrette et leurs trois filles, y compris Marine Le Pen alors âgée de huit ans, étaient présents chez eux au moment de l’explosion.
« Une riposte des criminels »
L’explosion a fait six blessés légers, parmi lesquels quatre enfants, résidant à proximité de la famille Le Pen. Douze bâtiments voisins et plusieurs voitures garées dans la rue ont également subi des dégâts. Selon les forces de l’ordre, les explosifs, pesant au moins 5 kg, ont été placés sur le palier du 4e étage, à l’adresse des Le Pen.
Jean-Marie Le Pen a déjà été la cible de trois attentats, ce qu’il qualifie de « triste record », selon ses mots. « Je lie cela uniquement à notre récent congrès dont le sujet majeur était la sécurité nationale et la lutte contre la criminalité », affirme-t-il alors que le quatrième congrès de son parti vient de se conclure à Bagnolet en Seine-Saint-Denis. « Je pense qu’il s’agit d’une riposte de la part des criminels », conclut-il. Malgré la revendication de l’attentat par un groupe anti-fasciste, les enquêteurs ne peuvent pas identifier formellement les responsables.
« Cette nuit cauchemardesque m’a permis de comprendre que mon père était en politique »
Un détective privé embauché par la famille Le Pen, Antoine Méléro, propose une autre hypothèse. Il suggère que cet acte pourrait être lié à des représailles en raison de l’héritage d’Hubert Lambert reçu par Jean-Marie Le Pen, quelques semaines auparavant. Décédé à 42 ans d’une cirrhose, le millionnaire, membre du comité central du parti, décide de léguer à Jean-Marie Le Pen les deux tiers de sa fortune, évaluée à 100 millions de francs, ainsi que le manoir de Montretout à Saint-Cloud. Ce testament est contesté, notamment par un cousin du défunt.
Marine Le Pen confie avoir été profondément affectée par cet attentat. Dans son livre autobiographique, A contre flots, paru en 2006, elle écrit : « Cette nuit épouvantable m’a permis de réaliser que mon père était impliqué en politique. C’est alors, jeune fille jouant encore avec des poupées, que je fais face à cette réalité pénible et incomprise : mon père n’est pas traité comme les autres, nous ne sommes pas considérés comme tout le monde. Ce constat va jouer un rôle fondamental dans ma propre construction« .