Paris (AFP) – La France fête mardi les 10 ans d’une attaque islamiste contre le Charlie Hebdo journal satirique qui a choqué le pays et donné lieu à de vifs débats sur la liberté d’expression et de religion.
Le président Emmanuel Macron et la maire de Paris Anne Hidalgo devraient diriger les commémorations sur le site des anciens bureaux de l’hebdomadaire, qui ont été pris d’assaut par deux hommes armés masqués liés à Qaïda et armés de fusils d’assaut AK-47.
Macron et Hidalgo se souviendront également d’Ahmed Merabet, un policier musulman gardant les bureaux qui a été exécuté à bout portant alors qu’il suppliait pour qu’on lui laisse la vie dans l’une des images les plus choquantes enregistrées de la tragédie.
Douze personnes sont mortes dans ces attentats, dont huit membres de la rédaction, tandis qu’une prise d’otages distincte mais liée dans un supermarché juif de l’est de Paris par un troisième tireur le 9 janvier 2015 a coûté la vie à quatre autres personnes.
Cette effusion de sang a marqué le début d’une période sombre pour la France au cours de laquelle des extrémistes inspirés par Al-Qaïda et le groupe État islamique ont organisé à plusieurs reprises des attaques qui ont mis le pays en tension et accru les tensions religieuses.
Charlie Hebdo a publié une édition spéciale pour marquer le 10e anniversaire qui présente un dessin en première page avec la légende « Indestructible! »
Dans un geste typiquement provocateur, la publication militantement athée a également organisé un concours de caricatures sur le thème de Dieu qui invitait à soumettre les caricatures « les plus drôles et les plus méchantes » de personnalités religieuses.
« La satire a une vertu qui nous a permis de traverser ces années tragiques : l’optimisme », estime dans un éditorial son réalisateur Laurent Sourisseau, dit « Riss », rescapé du massacre de 2015.
« Si tu veux rire, c’est que tu veux vivre. »
L’attaque contre le journal par deux frères d’origine algérienne nés à Paris serait une vengeance pour sa décision de publier des caricatures ridiculisant le prophète Mahomet, la figure la plus vénérée de l’Islam.
Charlie Hebdo défie le terrorisme avec un numéro spécial pour l’anniversaire de l’attentat
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Le dixième anniversaire des meurtres a conduit à une nouvelle introspection en France sur la nature de la liberté de la presse et sur la capacité de publications telles que Charlie Hebdo pour blasphémer et ridiculiser les personnalités religieuses, en particulier islamiques.
Ces meurtres ont alimenté un élan de sympathie en France, exprimé par une vague de solidarité « Je suis Charlie », de nombreux manifestants brandissant des crayons et des stylos et jurant de ne pas se laisser intimider par des fanatiques religieux.
« Sommes-nous tous toujours Charlie ? » La chaîne publique France 2 le demandera dans une émission spéciale de débat mardi soir, avec tous les grands médias marquant l’événement d’une manière ou d’une autre.
Un quotidien de gauche Le Monde a déclaré que le choc provoqué par ces meurtres était comparable à celui ressenti aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.
« Comment ne pas déplorer que le « Je suis Charlie » ait cédé la place à un certain relativisme en matière de liberté d’expression et de blasphème, notamment auprès des jeunes générations ? » dit-il.
Les critiques de Charlie Hebdoétrangers et nationaux, sont souvent intrigués par son humour grossier et ses caricatures délibérément provocatrices qui suscitent régulièrement la controverse.
Il a été accusé de franchir la ligne de l’islamophobie – ce qu’il nie – tandis que sa décision de publier à plusieurs reprises des caricatures de Mahomet a été considérée par certains comme creusant un fossé entre la population blanche française et l’importante minorité musulmane du pays.
Mais une enquête réalisée par l’institut de sondage Ifop et publiée cette semaine Charlie Hebdo a indiqué un large soutien public parmi les Français en faveur de la liberté d’expression afin de l’emporter sur les préoccupations liées aux sensibilités religieuses.
Au total, 76 pour cent des personnes interrogées estiment que la liberté d’expression et la liberté de caricaturer sont des droits fondamentaux, et 62 pour cent pensent que les gens ont le droit de se moquer de leurs croyances religieuses.