Selon une investigation menée par Mediapart, il est révélé que le Premier ministre était informé, dès la fin des années 1990, d’allégations concernant des actes de violence physique et de viol dans cet institut localisé dans les Pyrénées-Atlantiques, où certains de ses enfants allaient à l’école.
Questionné au sein de l’hémicycle par un élu de La France insoumise (LFI) sur les allégations de violences sexuelles survenues à l’établissement de Notre-Dame-de-Bétharram, François Bayrou a affirmé, ce mardi 11 février, qu’il n’avait « jamais été informé » de tels actes. Le chef du gouvernement a également fait savoir qu’il envisage le dépôt d’une « plainte pour diffamation », alors que Mediapart a publié une enquête révélant qu’il aurait été informé, à la fin des années 1990, d’accusations portant sur des violences physiques et un viol au sein de cette institution catholique localisée dans les Pyrénées-Atlantiques, où ses enfants ont été élèves.
Au total, une centaine de plaintes ont été déposées pour des faits de violences, agressions sexuelles et viols, principalement commis entre les années 1970 et 1990. Le parquet de Pau a indiqué l’ouverture d’une enquête sur ces incidents en février 2024. Franceinfo vous propose un résumé de cette affaire.
Nombre important de plaintes déposées pour des faits survenus à Notre-Dame-de-Bétharram
Depuis le début de l’année 2024, le parquet de Pau mène une enquête portant sur des allégations de violences, agressions sexuelles et viols survenus au sein du collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram, situé dans les Pyrénées-Atlantiques, et principalement entre les années 1970 et 1990. Cette investigation a été initiée suite au dépôt de 112 plaintes par d’anciens élèves de cet établissement catholique privé, proche de Lourdes, comme le confirme Alain Esquerre, victime et porte-parole des victimes de Notre-Dame-de-Bétharram, auprès de 20 Minutes.
Parmi les plaintes, figurent 22 adultes et un adolescent au moment des faits — des prêtres et des surveillants —, dont 12 sont encore vivants. Selon le parquet de Pau, 50 des plaintes concernent des actes à caractère sexuel. Deux laïcs toujours vivants et un prêtre décédé sont notamment visés avec respectivement 59, 23 et 17 plaintes à leur encontre. En outre, des parents anciens élèves ont également porté plainte pour « abus de confiance et tromperie ». Lors d’une enquête menée par Le Monde, le ministère de l’Education nationale a indiqué que « les services académiques collaborent avec l’autorité judiciaire concernant la procédure en cours ».
Mediapart soutient que François Bayrou était au courant de certaines accusations
Alors que les plaintes se sont multipliées et les témoignages ont été largement médiatisés depuis le début de l’année 2024, Mediapart s’interroge dans un article publié le mercredi 5 février sur le silence de François Bayrou. « Il n’a publié ni communiqué, ni message sur les réseaux sociaux, ni pris la parole pour condamner les faits ou soutenir les victimes, malgré les répercussions de cette affaire ». Étant originaire des Pyrénées-Atlantiques, où il réside, François Bayrou a inscrit plusieurs de ses enfants à l’école Notre-Dame-de-Bétharram. Selon Mediapart, son épouse, Elisabeth Bayrou, y a même donné des cours de catéchisme.
Dans son enquête, Mediapart affirme que François Bayrou, actuellement Premier ministre, avait connaissance de certains des faits reprochés aux membres de cette institution éducative. Le média évoque une première affaire remontant à 1996, à l’époque où François Bayrou était ministre de l’Education. L’article rapporte que l’élu avait été informé de violences physiques perpétrées par un surveillant sur un enfant de la classe de son fils. Une plainte fut déposée et le surveillant fut condamné. Les archives du quotidien régional Sud-Ouest spécifient que François Bayrou s’était rendu sur les lieux début mai 1996 pour exprimer son soutien à l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram, dénonçant des « attaques » suscitant chez plusieurs « Béarnais (…) un sentiment de douleur et d’injustice ».
Mediapart évoque également une seconde affaire survenue en 1998 où un ancien responsable de l’école avait été mis en examen et incarcéré pour viol. À cette époque, François Bayrou était redevenu député des Pyrénées-Atlantiques et présidait le conseil général du département. Mediapart et Le Monde rapportent une rencontre entre François Bayrou et le juge d’instruction en charge de l’affaire. Le juge Christian Mirande déclare à Mediapart : « Lors de notre rencontre, nous avons parlé spécifiquement de cette affaire, notamment parce que l’un de ses enfants était scolarisé à Notre-Dame-de-Bétharram ».
Dans un second article, Mediapart a également révélé une lettre d’un ancien élève, reconnue victime par la Commission reconnaissance et réparation, qui assiste les personnes ayant subi des abus dans des congrégations catholiques. Mediapart soutient que cette lettre envoyée à François Bayrou en mars 2024, révélant des attouchements subis à la fin des années 1950 par cet ancien élève de Bétharram, n’a pas reçu de réponse. Ce même mois, François Bayrou avait dit au Parisien que « la rumeur, vingt-cinq ans plus tôt, évoquait des gifles à l’internat », ajoutant qu’il n’avait « jamais entendu parler (…) de risques sexuels ».
François Bayrou s’explique devant l’Assemblée nationale
Cette affaire a pris une nouvelle dimension, mardi, à l’Assemblée nationale. En réponse à une interpellation du député LFI Paul Vannier, François Bayrou a affirmé « n’avoir jamais été informé d’aucun acte de violence, encore moins de violences sexuelles ». « Je vous assure que tout cela est faux et qu’une plainte pour diffamation sera déposée », a également déclaré le Premier ministre, évoquant brièvement les détails de cette affaire.
Le chef de l’exécutif a mentionné « deux preuves » pour justifier qu’il n’avait pas connaissance des faits. Concernant la première plainte relative à des violences physiques, qu’il situe en « décembre 1997 », il précise qu’il avait « déjà quitté le ministère de l’Éducation nationale depuis plusieurs mois ». Il avait effectivement quitté ce ministère en juin suite aux élections législatives de cette année-là. « C’est faux. La première condamnation d’un surveillant général pour des faits de violences remonte à juin 1996, periode durant laquelle Bayrou était encore au gouvernement », rétorque Mediapart dans son deuxième article.
Par ailleurs, le Premier ministre s’interroge : « pensez-vous que nous aurions choisi de scolariser nos enfants dans des établissements soupçonnés ou où il était affirmé qu’il se passait de tels actes ? », exprimant aussi sa « compassion » pour « les personnes, hommes ou garçons, qui ont souffert dans ces affaires ».
La France insoumise demande la démission de François Bayrou
« De la même manière que [Jérôme] Cahuzac, [François] Bayrou a menti devant l’Assemblée. Comment peut-on concevoir qu’il reste en fonction après un tel parjure devant la représentation nationale ? », a réagi sur le réseau social X le député insoumis Paul Vannier après son échange avec François Bayrou. « En raison de la gravité de ces révélations, [il] doit démissionner. Et présenter des excuses aux victimes ainsi qu’à leurs familles », a de son côté écrit sur X la députée LFI Clémence Guetté, qualifiant ces révélations de « terrifiantes ».