L’organisation non gouvernementale Global Witness a publié une étude jeudi, révélant que les algorithmes de ces plateformes avantagent significativement l’AfD, le parti d’extrême droite en Allemagne. Cette révélation intervient alors qu’il ne reste que trois jours avant les élections législatives dans le pays.
La question se pose : les plateformes sociales en Allemagne influencent-elles la campagne électorale de manière inéquitable ? Les statistiques révèlent que les algorithmes de TikTok et X tendent à privilégier les publications soutenant la droite et l’extrême droite, notamment le parti AfD, d’après un rapport de l’ONG Global Witness diffusé le jeudi 20 février à l’approche des élections législatives prévues pour dimanche.
Pour mener cette recherche, les auteurs se sont concentrés sur la section « Pour vous » des applications TikTok, X et Instagram, qui affiche automatiquement des contenus aux utilisateurs. Neuf comptes fictifs ont été créés : trois sur chacune des plateformes. Ces comptes ont suivi les pages des quatre plus grandes formations politiques allemandes – les chrétiens-démocrates de la CDU, les sociaux-démocrates du SPD, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) et les Verts – ainsi que les dirigeants de chacune. Les comptes ont également interagi avec les publications les plus récentes avant de naviguer vers l’onglet « Pour vous ».
L’omniprésence de l’AfD sur TikTok
Les résultats montrent qu’un impressionnant 78% du contenu politique suggéré par TikTok, provenant de comptes non suivis par les utilisateurs de test, favorisait l’AfD. Sur X, 64% des recommandations allaient dans ce sens, selon Global Witness. À l’inverse, Instagram s’est avéré présenter une tendance différente avec 96% des contenus issus de comptes suivis, un seul contenu externe apparaissant en soutien au SPD.
L’ONG a étudié l’idéologie politique des publications en général. Encore une fois, TikTok est la plateforme qui recommande le plus le contenu de droite (74%), suivi de près par X (72%) et ensuite Instagram (59%). Sur TikTok et X, les occurrences de contenus politiques penchants à droite étaient doubles de celles à gauche, tandis qu’Instagram présentait un ratio de 1,5 en faveur de la droite.
Global Witness souhaite que cette étude soulève des préoccupations concernant le manque de clarté des mécanismes de recommandation de ces plateformes. « Une des plus grandes préoccupations, c’est l’incertitude sur les raisons pour lesquelles certains contenus nous sont recommandés plutôt que d’autres, a commenté Ellen Judson pour TechCrunch. Nous avons décelé des signes montrant une possible partialité, mais la transparence manque quant aux algorithmes de recommandation. »
Une stratégie axée sur l’engagement
Global Witness a tenté d’expliquer ces résultats par le volume de contenus partagés par l’AfD comparé aux autres partis. Cependant, l’analyse a démontré que ce n’était pas le cas. Au moment de l’étude, la CDU avait produit 69% plus de contenus sur TikTok que l’AfD. Pour les Verts, il y avait une hausse de 24%. Cependant, sur X, l’AfD s’est montré plus active que les autres partis, devançant les Verts, pourtant plus présents que tous les autres, sauf l’AfD. Malgré cela, le contenu pro-Verts était moins visible, contrairement à ceux soutenant l’extrême droite.
Ces observations ont conduit l’ONG à conclure qu’il s’agissait « d’un possible effet secondaire involontaire des algorithmes, conçus pour maximiser l’engagement », à savoir la tendance des utilisateurs à interagir avec les posts. « Cela démontre ce qui se passe quand des entreprises, visant l’engagement total des utilisateurs, deviennent des forums de discussion publique et politique, a ajouté Ellen Judson. Il y a un déséquilibre entre les enjeux économiques des entreprises et les besoins démocratiques en société. »
Un risque pour les processus démocratiques
L’ONG a sollicité les entreprises concernées pour des commentaires. X n’a pas répondu, malgré le soutien d’Elon Musk à l’AfD. TikTok a critiqué la méthodologie, affirmant que celle-ci ne reflétait pas les expériences d’utilisateurs interagissant avec divers sujets. La plateforme s’est dit engagée pour l’intégrité des scrutins allemands, niant favoriser un parti ou candidat en particulier. Global Witness souligne ne pas accuser TikTok de délibérément privilégier l’AfD, mais que ses algorithmes ont donné cet effet », précise l’ONG.
L’organisation a appelé la Commission européenne à examiner d’éventuels préjugés politiques dus aux algorithmes de ces réseaux. « La forte prédominance de contenus de droite et en faveur de l’AfD observée sur TikTok et X pose un sérieux problème pour la démocratie », a conclu le rapport de Global Witness.