Les socialistes ont décidé de ne pas prendre part au vote concernant les motions de censure initiées par les autres partis de gauche sur les projets de loi budgétaires. Au lieu de cela, ils prévoient de présenter leur propre motion de censure, bien qu’ils s’attendent à ce qu’elle n’aboutisse pas, après cette série d’événements.
Il est fascinant de constater comment une partie de l’article 49 de la Constitution peut se dissimuler derrière une autre. Le Premier ministre a la faculté de « mettre en jeu la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale lors du vote d’une loi » en utilisant le fameux 49.3, une manœuvre que François Bayrou a employée à deux reprises ce lundi 3 février. Pendant ce temps, le Parti socialiste envisage d’activer l’article 49.2 de la charte fondamentale de la Ve République.
Ce mécanisme se rapproche de la motion de censure « déclenchée » suivant un 49.3, visant à renverser le gouvernement en place. Cependant, avec le 49.2, il n’est pas nécessaire qu’un texte soit préalablement proposé par le gouvernement pour qu’une motion de censure soit déposée puisqu’il s’agit d’une motion de censure dite « spontanée ».
« L’Assemblée nationale peut contester la confiance accordée au gouvernement en votant une motion de censure », précise cet alinéa de la Constitution. « Une telle motion n’est recevable que si elle est parrainée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale », ce qui représente 58 députés. Contrairement au 49.3, « un député ne peut endosser plus de trois motions de censure durant une session ordinaire et une seule durant une session extraordinaire ».
Déposer une motion de censure pour regagner le contrôle
Les législateurs socialistes ont opté pour cette alternative pour des raisons précises : ils estiment qu’il est impératif pour la France d’avoir des textes budgétaires pour 2025. Par conséquent, ils ont choisi de ne pas soutenir les motions de censure « provoquées » concernant le budget, ce qui a amené certains membres du Nouveau Front Populaire à les traiter de « traîtres ». En réaction, Jean-Luc Mélenchon a suggéré que le NFP avait été « réduit d’un parti » suite à la position du Parti socialiste prise ce lundi.
Quand les projets de loi de finances et concernant le financement de la Sécurité sociale auront été ratifiés, les socialistes souhaitent reprendre l’initiative, dans l’objectif de « souligner ce qui [les] distingue fondamentalement de ce gouvernement », comme le groupe PS l’a affirmé à 42mag.fr. Cette motion de censure a pour but de s’opposer aux propos controversés de François Bayrou sur le « sentiment de submersion » lié à l’immigration.
Bien que la date exacte de présentation de cette motion de censure reste incertaine, le groupe socialiste a déclaré mercredi qu’elle sera introduite « à la fin des débats sur le budget à l’Assemblée nationale », soit « la semaine prochaine ».
Une démarche sans « véritable perspective » de succès ?
Comme avec une motion de censure « provoquée » suite à un 49.3, il est nécessaire que « la majorité des membres » de l’Assemblée nationale, soit 289 sur 577, soutiennent la motion pour que le Premier ministre et son cabinet soient écartés. « Cela pourrait bien renverser » le gouvernement, a affirmé mercredi matin sur 42mag.fr le chef des députés socialistes, Boris Vallaud.
Néanmoins, pour que la motion soit efficiente, il faudrait que le RN l’approuve, notamment sur la question de l’immigration, ce qui n’est guère garanti. « Malheureusement, elle a peu de chances, sauf si le RN décide absolument de faire chuter le gouvernement », regrette un membre éminent du parti socialiste. « Avec le RN, on remplit rarement nos attentes », commente l’entourage de François Bayrou auprès de France Télévisions.
Sur les 66 motions de censure « spontanées » déposées depuis l’établissement de la Ve République, une seule a abouti, en octobre 1962, provoquant le départ d’un gouvernement. François Bayrou, ayant surmonté sans difficulté une motion de censure « spontanée » en janvier, espère ne pas subir le même sort que Georges Pompidou, qui fut bien que censuré, rapidement renoué à sa fonction par Charles de Gaulle.