À l’inverse de la situation vécue par Michel Barnier au début du mois de décembre, François Bayrou ne perdra pas son poste ce mercredi, car les socialistes ont annoncé qu’ils ne soutiendraient pas la motion de censure. Ce maintien en fonction, le Premier ministre le doit autant aux compromis qu’il a consentis qu’au contexte politique actuel.
Le mercredi 5 février, la motion de censure ne sera pas adoptée à l’Assemblée nationale, car les députés socialistes ont décidé de ne pas la soutenir. De même, il est peu probable que le Rassemblement national lui apporte ses voix. La question se pose alors : pourquoi la stratégie de Bayrou réussit-elle là où la méthode Barnier avait échoué ? La réponse réside ironiquement en… Michel Barnier lui-même ! Les socialistes voyaient la censure comme un coup unique. La chute du gouvernement début décembre avait plongé le pays dans une période d’incertitude inédite, avec l’absence d’un budget clair et sans visibilité pour les acteurs économiques et les administrations, tout cela sur fond de déficits records et de marchés financiers agités. Réitérer ce scénario était impossible pour le PS, qui se targue d’une tradition de gouvernance, car cela les exposerait à l’accusation de mener le pays au chaos.
Michel Barnier, face aux conséquences de la dissolution, se heurtait à une Assemblée nationale plus fragmentée que jamais, un « socle commun » devenu minoritaire, et une gauche persistant à revendiquer Matignon. Subissant les aléas des décisions de Marine Le Pen, il ne pouvait que subir un échec. Cependant, avec cette page désormais tournée, François Bayrou avait un champ d’action plus dégagé.
L’élimination des mesures controversées
Sa trajectoire, son parcours, ont fait de lui une figure moins incompatible pour les socialistes. En luttant contre Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, le leader du Modem avait depuis longtemps émancipé le centre de l’emprise de la droite traditionnelle. Il a même joué un rôle essentiel dans l’élection de François Hollande en 2012. Par ailleurs, il a écarté des projets budgétaires les mesures les plus controversées aux yeux de ses adversaires, telles que la suppression de 4000 postes d’enseignants ou la réduction des remboursements pour certains médicaments. Il a consenti de nombreux compromis envers le PS, à tel point que beaucoup se demandent si le budget 2025 parviendra réellement à réduire significativement le déficit. François Bayrou a respecté la réputation qu’il s’était forgée lors de son passage au ministère de l’Éducation il y a trois décennies : subtil et prudent, évitant de donner prise à ses opposants afin de se maintenir dans le temps.
Il est encore trop tôt pour déterminer si la nouvelle conjoncture politique lui garantira de ne pas être renversé d’ici 2027. En prenant ses distances avec les insoumis, les socialistes ont opté pour une stratégie d’opposition constructive qu’ils devront poursuivre pour espérer en tirer des bénéfices. Tout repose cependant sur le dénouement des discussions sur les retraites, prévues d’ici la fin du semestre. En cas d’échec, ou si François Bayrou décidait de ne pas laisser le Parlement trancher, il se retrouverait à nouveau confronté à la menace de la censure. Il reste également le risque d’un événement imprévu. Un mot, celui de « submersion », aurait pu précipiter sa chute. Alors, être moins loquace pour durer davantage ? En politique, silence et précaution peuvent garantir une plus grande longévité.