Lundi, François Bayrou a évoqué les refus répétés de l’Algérie de réadmettre chez elle l’auteur de l’attaque mortelle au couteau survenue à Mulhouse. Ces propos interviennent dans un climat déjà très conflictuel entre Paris et Alger.
La tension diplomatique entre la France et l’Algérie a fait irruption lors du Salon de l’agriculture, le lundi 24 février. Le Premier ministre a qualifié d’« inacceptable » le refus répété de l’Algérie de récupérer l’auteur de l’attaque de Mulhouse. L’agresseur, responsable d’une attaque au couteau à Mulhouse qui a causé un mort et cinq blessés samedi dernier, est né en Algérie et était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cependant, l’Algérie a, selon le ministre de l’Intérieur, refusé à maintes reprises, exactement « dix fois », de le reprendre, comme il l’a expliqué durant le week-end. En réaction, plusieurs figures politiques demandent à la France de revoir l’accord de 1968 avec l’Algérie, qui régit les modalités d’entrée, de séjour et d’emploi pour les Algériens en sol français.
1 Quel est le contenu de l’accord de 1968 ?
Ce texte, peu connu du grand public en France, a été formalisé en décembre 1968, six ans après la fin de la guerre d’Algérie et consécutivement aux accords d’Evian. Conclu sous la présidence du Général De Gaulle, cet accord vise à simplifier l’arrivée des travailleurs algériens en France, avec un contingent annuel pouvant atteindre 35 000, incluant leur famille. Il leur confère un statut spécial. Contrairement aux citoyens d’autres nations, les ressortissants algériens bénéficient d’un régime particulier sur le territoire français. Par exemple, leur accès au territoire est facilité, ils accèdent plus rapidement à des titres de séjour valables pour une décennie, et jouissent de la liberté d’établissement pour mener des activités commerciales ou indépendantes.
L’accord a été amendé trois fois, en 1985, 1994, et enfin en 2001, mais ses fondements majeurs et ses exemptions par rapport au droit commun ont été conservés. De plus, étant un traité international, cet accord a une valeur normative supérieure aux lois nationales, conformément à la Constitution française. En conséquence, les résidents algériens en France ne sont pas concernés par les législations les plus récentes en matière d’immigration.
2 Quelle est la vision du gouvernement sur cette convention de 1968 ?
Lors de sa visite au Salon de l’agriculture ce lundi, François Bayrou a exprimé son mécontentement face aux refus « inacceptables » de l’Algérie de récupérer l’attaquant de Mulhouse, qui avait une obligation de quitter le territoire français. Il a déclaré : « Nous devons organiser des réunions dans les jours à venir pour aborder cette question. La France, sa justice, sa défense, tout cela implique une affirmation claire que cette situation ne peut continuer », selon le Premier ministre.
Mercredi, un conseil ministériel dédié à l’immigration doit se tenir. Bien que programmé avant l’attaque de Mulhouse, ce conseil devrait aborder des mesures spécifiques envers l’Algérie. Bruno Retailleau, en charge de l’Intérieur, propose que l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie soit annulé. Cette question, selon la porte-parole du gouvernement lundi, sera au centre des discussions.
3 Que dit l’opposition à ce sujet ?
Aussi présent au Salon de l’agriculture ce lundi, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, presse le gouvernement à durcir sa position : « Il faut un bras de fer diplomatique. Si le gouvernement souhaite être conséquent, il doit cesser d’accorder des visas aux ressortissants algériens tant que l’Algérie refusera de reprendre ces figures indésirables et ses ressortissants irréguliers, notamment les clandestins. »
Contrairement à une frange de la droite et de l’extrême droite qui réclament la révision de l’accord de 1968, la gauche perçoit cette initiative comme une erreur fondamentale, l’accusant d’exploiter cet accord. Ian Brossat, sénateur communiste, exprime ainsi : « Les déclarations flamboyantes sur les chaînes de télévision ne régleront rien. » Il insiste sur le fait que ces accords n’ont pas provoqué un afflux massif d’Algériens vers la France : « On nous fait croire que l’accord de 1968 a conduit à une immigration massive d’Algériens en France, mais ce n’est pas la réalité. Par exemple, la proportion d’Algériens parmi les immigrés en France est à peu près équivalente à celle des Marocains. »
De plus, le député socialiste Arthur Delaporte est d’avis que remettre en cause l’accord de 1968 n’apporterait pas de solution aux problèmes liés aux OQTF : « L’abrogation de l’accord ne résoudra pas le problème des refus d’OQTF. Ce n’est pas l’accord qui est à l’origine de cette situation, mais un problème principalement lié aux relations diplomatiques. » Il plaide pour une amélioration des relations diplomatiques avec l’Algérie, tout en espérant une amélioration du ton du côté algérien, d’après Arthur Delaporte.