Dans ce long-métrage, le reporter Mohamed Bouhafsi évoque les espoirs placés dans les logements sociaux pour une existence améliorée, suivis par la déception des résidents après l’époque prospère des Trente Glorieuses.
Les banlieues françaises sont souvent associées à des problèmes tels que la délinquance, l’insécurité, le chômage, les émeutes et le trafic, surtout lorsque l’on en parle dans les médias. Pourtant, ces quartiers ont été créés dans les années 1950 à proximité des grandes villes pour offrir une vie paisible et de qualité aux nombreux ouvriers venus de divers horizons afin de participer à la reconstruction post-guerre de la France.
Le documentaire La banlieue c’est le paradis, réalisé par le journaliste Mohamed Bouhafsi et diffusé le mardi 18 février à 21h10 sur France 2, explore sept décennies de l’histoire des banlieues françaises, en se concentrant sur les changements sociaux et urbains qu’elles ont connus. En intégrant aussi des éléments autobiographiques, Bouhafsi, qui a passé son enfance à la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis, raconte les espoirs et les désillusions des habitants après les « Trentes Glorieuses ».
Les grands ensembles pour les travailleurs
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France met en œuvre une politique migratoire orientée vers le travail pour combler le déficit de main-d’œuvre et stimuler l’économie. Des travailleurs affluent de province, mais aussi d’Espagne, d’Italie, du Portugal et d’Afrique, dont un grand nombre d’Algériens, favorisés par les accords d’Évian de 1968, quelques années après l’indépendance algérienne.
Selon Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, cette main-d’œuvre étrangère était omniprésente dans les industries, comme dans le Nord-Pas-de-Calais où il y avait une présence diversifiée de travailleurs. Ces ouvriers vivaient souvent dans des conditions précaires près des sites industriels, dans des habitations de fortune dépourvues de commodités de base. Cette situation conduisit à la prolifération de bidonvilles lors des années 1960-1970.
Face à cette situation, dès 1955, la France lance la construction de grands ensembles immobiliers, un mouvement qui prend de l’ampleur dans les années 1970 avec une politique urbaine visant à éliminer les quartiers insalubres. Ces nouveaux immeubles modernes avec des infrastructures confortables devenaient des résidences de choix pour de nombreuses familles.
« On arrivait de bidonvilles, donc c’était des palaces. Il y avait la salle de bains, la cuisine, le chauffage au sol, l’ascenseur. Eau et gaz à tous les étages. Donc vraiment, c’était le luxe. »
Farida Khelfa, mannequin et réalisatricedans le documentaire « La banlieue c’est le paradis »
Ces nouveaux quartiers attiraient donc des foules qui espéraient un cadre de vie rassurant et convivial. Monique Munoz, installée en 1976 dans le quartier des Francs-Moisins, témoigne de la solidarité qui animait ces communautés où chacun prêtait main forte à ses voisins dans les démarches administratives, formant ainsi une grande famille.
Une mixité sociale et culturelle
Durant les années 1970 et 1980, le chômage était peu répandu et les quartiers populaires avaient encore une certaine mixité sociale. Christian Delorme, surnommé « le curé des Minguettes » pour son implication à Vénissieux, se souvient d’un environnement où différentes origines et cultures cohabitaient harmonieusement, apportant une richesse incontestable à ces quartiers.
Xavier Niel, entrepreneur, se remémore avec un certain attachement son enfance au Mont-Mesly à Créteil, où camaraderie et diversité culturelle régnaient, procurant une égalité perçue vu l’absence de différences sociales marquées parmi les habitants.
Cependant, cet équilibre est perturbé au début des années 1970 par la crise économique liée au premier choc pétrolier, entraînant la fin d’une période de prospérité en France.
« Mes parents ont acheté au Chêne Pointu à Clichy (Seine-Saint-Denis). Cette copropriété a commencé à se paupériser assez vite en fait, dès la crise pétrolière, et les gens qui allaient le moins mal ont vite vendu leur appartement. Et on a vu changer les habitants, des gens plus pauvres. »
Olivier Klein, ancien ministre de la Villedans le documentaire « La banlieue c’est le paradis »
Au fil du temps, avec la montée du chômage et de l’inflation, les couches moyennes quittent les banlieues, laissant place à une population plus pauvre. La précarité et le manque d’activités pèsent sur le cadre de vie, amplifiant la tristesse et le désespoir de ceux qui restent.
Néanmoins, pour beaucoup, comme l’acteur Franck Gastambide, les souvenirs de fraternité et de solidarité prédominent, contrastant avec l’individualisme ressenti ailleurs :
« Il y a de la sensibilité, de l’entraide, de l’amour… Ça manque que au Parisien que je suis devenu. Dans un quartier on se connaît tous. On ne peut pas dire qu’on s’aime forcément tous… Dans un immeuble parisien, on se croise, on ne se connaît pas. »
Le documentaire La banlieue c’est le paradis, réalisé par Mohamed Bouhafsi, sera diffusé mardi 18 février à 21h10 sur France 2 et disponible sur france.tv.