Gabriel Attal a proposé une loi sur la justice des mineurs, qui comprend certains éléments controversés. Un des points de cette proposition a été supprimé par la gauche pendant les discussions en commission au Parlement. Toutefois, le groupe central espère que ce point pourra être réintroduit lors du débat prévu mercredi dans l’hémicycle.
Transformer la justice pour les jeunes : un débat brûlant
Un an et demi après les troubles survenus à la suite de la mort de Nahel, un jeune abattu lors d’un contrôle routier à Nanterre, l’Assemblée Nationale se prépare à examiner, ce mercredi 12 février, le projet de loi proposé par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal. L’initiative intitulée « Restaurer l’ordre et la justice » prend une résonance particulière après la mort tragique d’Elias, un adolescent de 14 ans poignardé pour son téléphone portable à Paris le 24 janvier.
Dans le sillage de ce drame, plusieurs autorités politiques, à l’instar du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, ont plaidé pour une réforme de la justice des mineurs. Le texte en question contient notamment deux propositions controversées : la suppression de l’excuse de minorité et l’introduction d’une comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans dans certains cas graves. La première mesure mettrait fin au principe selon lequel un mineur encourt une peine équivalente à la moitié de celle d’un adulte pour un crime ou délit similaire. Ces dispositions ont été initialement supprimées en commission par la gauche, mais le bloc central espère les réintroduire lors des débats en plénière.
La remise en cause des secondes chances
La proposition de comparution immédiate suscite de vives critiques de la part des professionnels de la justice. En effet, le système actuel pour les mineurs diffère de celui des adultes : les jeunes passent d’abord devant un juge qui détermine leur culpabilité, puis reviennent des mois plus tard pour se voir infliger une sanction. Pendant cet intervalle, ils sont accompagnés par des éducateurs spécialisés, comme en témoigne Mathieu Moreau, éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse. Selon lui, « la justice des mineurs repose sur la possibilité de réinsertion de chaque jeune, peu importe leur parcours », expliquant que raccourcir ces délais revient à priver un jeune de la possibilité de prouver sa capacité à changer.
Mathieu Moreau, qui a la charge de 25 jeunes dans un centre à Dijon, insiste sur l’importance d’au moins un rendez-vous mensuel pour les remettre sur le droit chemin. « Nier la possibilité d’une seconde chance, c’est méconnaître l’impact positif de l’accompagnement sur le long terme », regrette-t-il, ajoutant que les résultats peuvent être encourageants et contribuer à un véritable changement.
La nécessité de comprendre la portée de leurs actes
L’instauration d’une procédure de jugement immédiat pour les mineurs supprimerait cet accompagnement essentiel. Sophie Royer, membre de la commission mineurs de l’ordre des avocats de Bobigny, souligne l’importance de guider ces jeunes. « Nous voyons souvent des primo-délinquants qui, grâce à ce suivi, retournent à l’école et se montrent fiers de démontrer au juge leur capacité à respecter les attentes ».
Muriel Eglin, présidente du tribunal pour enfants de Bobigny, insiste sur la nécessité de ne pas juger ces jeunes sans l’aide des éducateurs. Elle explique que « sans un suivi adéquat, le jeune ne peut ni comprendre la portée de ses actes ni développer un sens des responsabilités ». Elle critique l’idée d’un jugement précipité, considérant que cela ne servirait pas vraiment l’intérêt des adolescents. « Les différences entre un jeune de 14 ans et un adulte de 30 ans sont profondes, et elles nécessitent une approche judiciaire adaptée, » soutient-elle, rappelant qu’une procédure accélérée existe déjà pour les cas les plus critiques.
Avant que la proposition de Gabriel Attal ne soit abordée en séance plénière, plusieurs textes législatifs sont encore à discuter. Entre-temps, le syndicat SNPES-FSU qui représente les éducateurs de la protection judiciaire appelle à des rassemblements à midi, devant les tribunaux de France et l’Assemblée Nationale pour exprimer leur opposition.