Malgré les allégations d’abus sexuels contre le fondateur de l’organisme de bienfaisance des sans-abri français Abbé Pierre, aucune enquête criminelle ne se produira en raison de statuts de limitation après sa mort en 2007.
Les procureurs français ont annoncé mardi qu’aucune enquête criminelle ne sera lancée concernant les nombreuses accusations d’agression sexuelle contre le militant anti-pauvreté Abbé Pierre, comme le prêtre est décédé en 2007 et que le délai de prescription s’applique à tout manquement à signaler ces crimes présumés.
La conférence des évêques française (CEF) – qui avait exhorté le procureur de Paris à explorer des voies légales – a exprimé sa déception en matière de déménagement tout en reconnaissant le raisonnement derrière la décision.
« Nous regrettons ce résultat, bien que nous le comprenons », a déclaré le CEF à l’AFP.
Malgré cela, le CEF a réaffirmé son engagement à soutenir les victimes et à découvrir toute la vérité sur les actions d’Abbé Pierre.
La charité française tourne le dos à un père fondateur accusé d’abus sexuels
Tomber en disgrâce
Une fois vénéré pour son dévouement à la justice sociale, Abbé Pierre – né Henri Grouès – a été exposé posthume, avec 33 accusations de violence sexuelle apportées contre lui fin janvier 2024.
Les allégations ont été révélées grâce à trois rapports distincts publiés depuis juillet 2024 par le conseil EGAÉ.
Commandé par le mouvement Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre, les rapports ont jeté un nouvel éclairage sur le passé troublant du prêtre.
Le premier rapport, détaillant les cas de harcèlement sexuel et d’agression, a envoyé des ondes de choc à travers la France, ternissant la réputation d’un homme une fois salué en tant que champion pour les pauvres.
Lorsque les dernières conclusions ont été rendues publiques à la mi-janvier, Emmaüs a condamné son fondateur comme un «prédateur», révélant d’autres allégations, notamment le viol d’un mineur et une faute impliquant un membre de sa propre famille. Les accusations s’étendent des années 1950 aux années 2000.
Suite à ces révélations, l’Église catholique – par le biais du président de CEF Éric de Moulins-Beaufort – a officiellement demandé une enquête en janvier.
L’affaire a été renvoyée aux procureurs pour des accusations potentielles liées à l’incapacité à signaler les crimes sexuels contre les mineurs et les individus vulnérables.
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Sans issue légale
Cependant, dans une lettre datée du 24 janvier, le bureau du procureur de Paris a conclu qu’aucune action en justice ne pouvait se poursuivre.
Depuis que l’abbé Pierre est décédé, toute affaire contre lui sera automatiquement rejetée.
En outre, toute poursuite potentielle en cas de non-signalement des crimes a été jugée au-delà du délai de prescription.
Le bureau du procureur a souligné que les enquêtes judiciaires servent à déterminer si les crimes peuvent et doivent être poursuivis.
Alors que les autorités enquêtent occasionnellement sur les cas historiques de maltraitance des enfants pour identifier d’autres victimes possibles, aucune autre mesure légale n’a pu être prise dans ce cas.
« Si des infractions plus récentes et non expirées avaient été identifiées, l’accusation aurait pu engager des procédures », a expliqué le procureur. « Mais c’est évidemment impossible lorsque l’accusé n’est plus vivant ».
En vertu de la loi française, le non-signalement d’un crime est considéré comme une infraction distincte. Cependant, après avoir analysé les rapports d’Egaé, les procureurs n’ont trouvé aucun cas où une action en justice était toujours possible.
Pour Aurore Bergé, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, l’affaire Abbé Pierre souligne comment les statuts de prescription empêchent les survivants de demander la justice.
« C’est exactement pourquoi j’ai présenté un projet de loi qui établirait un délai de prescription civile pour la violence sexuelle contre les mineurs », a-t-elle déclaré sur X.
Héritage réécrit
En réponse aux révélations, les institutions construites autour de l’héritage d’Abbé Pierre ont pris des mesures décisives.
La Fondation Abbé Pierre, créée à l’origine en 1987 pour lutter contre le sans-abrisme, a officiellement changé son nom le 25 janvier à la «Fondation pour le logement des défavorisés».
Emmaüs France – l’organisation fondée par le prêtre en 1949 – a rompu les liens vers son image, a définitivement fermé un mémorial dédié à la ville d’Esteville et a conseillé aux groupes affiliés de supprimer tous les visuels de l’abbé Pierre.
(avec des fils)