Lors d’une audition qui a duré cinq heures, Marie-France a maintenu qu’elle n’avait jamais été au courant des inclinations pédophiles de l’ancien chirurgien. Elle a même accusé certaines de ses nièces de ne pas dire la vérité concernant les agressions sexuelles dont elles l’accusent.
Démarrage de l’audition sous tension
L’audition de l’ancienne conjointe de Joël Le Scouarnec a débuté à 18 heures, déclenchant des rires nerveux à son arrivée. Affublée d’une perruque, munie d’un masque chirurgical et atteinte d’une extinction de voix, elle a témoigné jusqu’à 23h15 dans une atmosphère pesante. Le témoignage de Marie-France était très attendu, car elle a toujours affirmé ignorer les agissements pédocriminels de son ex-mari qu’elle avait épousé en 1974 et avec qui elle partagea près de quatre décennies. Toutefois, divers témoignages et éléments du dossier laissent penser qu’elle a, au moins au sein de la sphère familiale, dissimulé les actes de l’ancien chirurgien.
La présidente de la cour criminelle, Aude Burési, a questionné Marie-France sans relâche avant de passer la parole à l’avocat général, Stéphane Kellenberger, puis aux avocats des parties civiles. Celles-ci, présentes en nombre dans l’amphithéâtre prévu pour la retransmission, ont exprimé une stupéfaction visible face aux propos de cette femme de 71 ans, ancienne aide-soignante.
Marie-France, retrouvant progressivement sa voix, a d’abord réitéré son profond amour pour son mari qu’elle considérait comme « extraordinaire ». Elle a souligné que leurs trois enfants n’avaient « manqué de rien », tout cela en étant assise sur un fauteuil à sa demande, au pied du pupitre et à quelques mètres de l’accusé, qu’elle visite encore régulièrement en prison. Elle a ensuite démenti les récits médiatiques sur leur train de vie extravagant, affirmant qu’il n’y avait ni vacances ni voitures luxueuses, même si un des domiciles familiaux possédait cinq salles de bain.
Au fur et à mesure des interrogations, Aude Burési a abordé les faits: Marie-France répond souvent à côté, se défend beaucoup et se plaint d’être traitée en coupable. « C’est mon procès ici ? » s’est-elle insurgée à plusieurs reprises.
« Votre nièce de cinq ans aurait-elle manipulé votre époux ? »
L’atmosphère déjà tendue s’est encore alourdie lorsque la présidente a mentionné le cas d’une nièce de Joël Le Scouarnec, l’une de ses victimes. Marie-France se souvenait : cette nièce « demandait toujours à venir à la maison » – une présence qui l’embarrassait déjà avec ses trois enfants. Selon Marie-France, cette jeune fille « était souvent accrochée au cou de mon mari » en répétant « oh mon tonton chéri ». La présidente, choquée, s’exclama: « Pensez-vous vraiment que votre nièce de cinq ans a pu manipuler votre mari ? ». Marie-France répondit: « Qui sait… Elle est rusée cette petite fille, m’a fait des vilains tours. Elle sait comment capter l’attention ».
Des murmures de désapprobation se sont élevés dans l’amphithéâtre et Joël Le Scouarnec semblait vouloir disparaître sous terre. Impassible, Marie-France continua, affirmant que son fils cadet, abusé par son grand-père paternel, aurait dit: « tu sais maman, certains enfants maltraités aiment ça ».
La présidente a été abasourdie par ces propos : « Est-ce que vous croyez vraiment que les enfants abusés prennent du plaisir à ces actes imposés par des adultes ? » Mais Marie-France répondit vivement: « Je ne sais pas ! ». Elle s’étonna également de l’indignation générale suscitée par ses paroles, clama qu’on la rendait responsable de tout et suggéra qu’être témoin mériterait d’avoir un avocat. Face à ce malaise, l’avocat général rappela qu' »abuser d’un mineur constitue un délit pénal. »
Série de dénégations
Même dans cette ambiance électrique, la présidente poursuivit en s’attaquant aux questions cruciales du dossier : qu’avait vraiment su Marie-France ? Aude Burési projeta un extrait des journaux intimes de Joël Le Scouarnec, datant de 1996, mentionnant : « Un cataclysme m’a frappé, elle sait que je suis pédophile ». De qui pouvait-il bien parler ? Marie-France hasarda: « Peut-être sa conscience… » Elle affirma aussi ne jamais avoir remarqué la moindre poupée chez elle, alors que selon cet extrait, une personne mystérieuse lui aurait demandé de s’en débarrasser.
Sylvie, la sœur de Marie-France, avait révélé aux enquêteurs une conversation en 1996, quand le couple Le Scouarnec était en difficulté. Elle lui aurait demandé : « Penses-tu qu’il pourrait avoir des attirances pour les jeunes filles ? » Sylvie avait signalé avoir autrefois vu son beau-frère embrasser « le haut des fesses » de sa propre fille. Marie-France aurait balayé cette remarque en disant : « Beaucoup d’hommes aiment les petites filles. » Devant la cour, elle nia les faits tout en plaisantant avec désinvolture sur sa sœur, l’appelant « la pintade. »
Concernant la perquisition de 2004 à leur domicile après un signalement du FBI sur des contenus pédopornographiques, elle expliqua que son mari avait affirmé qu’il s’agissait d’une erreur, contredisant ce qu’elle avait déclaré à l’époque: « Il m’avait avoué avoir visité par curiosité un site pédophile, mais disait qu’il n’y avait rien de sérieux. »
Puis vint la lecture d’une lettre de 2010 où elle suppliait une amie de préserver son fils, « le seul à ne pas connaître le passé de son père ». Elle avait ajouté : « Je dois le protéger, car une telle vérité est dure à affronter pour un jeune homme déjà perturbé. » Aujourd’hui, elle murmura : « Je ne sais pas pourquoi j’ai écrit cela. J’ai une faille là, je ne sais pas. »
« Votre place serait aux côtés de votre ex-mari »
Face à ce déni, la présidente eut recours à un choc visuel. Elle projeta des photographies compromettantes de deux nièces de Joël Le Scouarnec, trouvées sur son ordinateur. « Madame, c’est une réalité à laquelle vous devez faire face », déclara la magistrate. Marie-France refusa de regarder. « Je dois me protéger ! » s’exclama-t-elle.
Ensuite, Aude Burési montra un photomontage pédopornographique de son fils cadet. Cette fois-ci, Marie-France leva la tête. « Mon dieu, mon dieu ! » s’exclama-t-elle, horrifiée. « Croyez-vous qu’il a pu abuser de vos enfants ? » demanda la présidente. « Je n’espère pas… » répondit-elle, d’une voix rauque.
À la fin de l’audience, une avocate des parties civiles, témoignant de « l’indignation » des victimes présentes, lui dit : « Vous avez de la chance. Vous devriez être aux côtés de votre ex-mari dans le box des accusés : c’est notre conviction que vous saviez depuis 1996 ce qu’il faisait et que vous n’avez jamais rien fait, sûrement pour votre confort personnel et matériel. »