Un certain nombre d’associations dédiées à la sélection des races bovines ont choisi de ne pas exposer leurs animaux dans la capitale française, motivées par la baisse des aides financières qui leur sont allouées. Cette décision, bien que regrettable, est acceptée par les agriculteurs, qui ressentent à la fois du répit et une certaine déception.
« Pas de vaches béarnaises cette année ? » En arpentant les couloirs du Salon de l’agriculture, François Bayrou n’a pu que constater l’absence des bovins de sa région, le lundi 24 février. Bien que le Premier ministre ait posé aux côtés d’Oupette, la vache Limousine qui est l’emblème de l’événement 2025, il a été contraint de renoncer à se faire photographier avec le symbole de sa région natale. La raison en est simple : cette année, les éleveurs de cette race distinctive, reconnaissable à leurs cornes en forme de lyre, ont décidé de ne pas participer à l’événement parisien.
« Les finances étaient serrées », confie Vincent Moulia, responsable de l’Association de sauvegarde de la race bovine béarnaise. En effet, présenter deux spécimens de cette race au Salon de l’agriculture en 2024 a engendré des dépenses de l’ordre de 15 000 à 20 000 euros pour l’organisme régional chargé des races locales en Nouvelle-Aquitaine. Un budget jugé exorbitant, surtout lorsque l’incertitude financière plane sur les soutiens habituels. « Tous nos partenaires financiers sont dans l’hésitation cette année, difficile de prévoir l’avenir », admet l’éleveur. Face à cette situation de contraintes budgétaires et de turbulences politiques, l’organisation régionale a préféré éviter ce rendez-vous national cette fois-ci.
Outre les aspects financiers, amener ses bovins dans la capitale est une véritable épreuve pour les agriculteurs. « Cela nécessite aussi une mobilisation importante en termes de ressources humaines », explique Vincent Moulia, qui avait déjà pris part à l’événement l’année précédente avec l’une de ses vaches. « Il faut anticiper six mois à l’avance en préparant les bêtes, prévoir des remplaçantes en cas de pépin, et aussi mobiliser des bénévoles pour le salon », énumère l’éleveur basé à Orthez (Pyrénées-Atlantiques).
« Le Salon de l’agriculture, c’est une mobilisation intense, tant avant qu’au cours de l’événement. Cela a un impact non négligeable sur les éleveurs. »
Vincent Moulia, éleveurà 42mag.fr
L’investissement consenti est « difficilement mesurable en termes de retombées économiques », reconnaît Vincent Moulia. « C’est une opportunité pour se faire connaître, exposer nos animaux, échanger avec des éleveurs de races également menacées et rencontrer des personnalités politiques dans un contexte informel », précise le responsable. Cependant, il nuance en ajoutant que cette vitrine ne se traduit pas nécessairement par un afflux de clients pour les éleveurs.
« On nous fait croire à une unité »
Dans le Haut-Béarn, l’agricultrice Fabienne Castetbieilh n’est pas fâchée de rester sur sa ferme plutôt que de se rendre dans la capitale. « C’est agréable, mais les bénéfices sont limités », évalue-t-elle au sujet de cette grand-messe agricole dominée par les poids lourds du secteur agroalimentaire et les associations professionnelles. Elle ressent un décalage avec ses principes personnels. « On nous laisse croire que tout va bien et que l’on forme une grande famille. Cependant, ce n’est pas la réalité », déclare l’éleveuse, critique envers les reculs écologiques de la récente loi d’orientation agricole.
« Je préfère qu’on utilise les fonds pour les subventions aux agriculteurs plutôt que pour un salon où François Bayrou va juste nous complimenter sur nos vaches sans conséquences réelles. »
Fabienne Castetbieilh, éleveuseà 42mag.fr
Lors de sa longue visite, le Premier ministre a salué un « grand apaisement » dans les rapports entre l’exécutif et les agriculteurs. En déclarant : « Chez nous, nous avons préservé la race béarnaise », rapporté par La République des Pyrénées, il a suscité une réaction chez Fabienne Castetbieilh. « Ce sont les éleveurs qui ont œuvré pour la survie de la vache béarnaise, et non François Bayrou », a-t-elle rétorqué.
Le Premier ministre n’a pas seulement raté les bovins béarnais lors de son passage de douze heures au parc des expositions Porte de Versailles. Les vaches vosgiennes ont également manqué à l’appel cette année. « La raison est simple : une réduction de 35 000 euros dans nos subventions », indique Florent Campello, à la tête de l’organisme chargé de leur sélection.
« C’est valorisant de faire la fête pendant dix jours au Salon de l’agriculture, mais nous avons aussi des devoirs envers notre métier. »
Florent Campello, éleveurà 42mag.fr
Un choix « difficile à avaler », mais nécessaire selon l’éleveur, malgré les succès obtenus lors des compétitions passées. L’an dernier, la participation des vaches vosgiennes au Salon et à ses compétitions avait coûté 70 000 euros, une dépense que l’organisme ne souhaitait pas couvrir en baissant ses aides directes ou augmentant ses cotisations. « L’absence du Salon peut donner l’impression que nous n’existons pas. Mais est-ce crucial pour une race régionale de briller à Paris ? Le débat reste ouvert » se questionne-t-il.
« C’était un honneur d’y assister »
Dans les villages vosgiens, quelques agriculteurs regrettent de ne plus avoir l’opportunité de représenter leurs bêtes à Paris. « Personnellement, j’étais prêt à y participer », confie Lionel Vaxelaire. Producteur transformant et vendant directement le fruit de son élevage, il voyait dans cet événement « un formidable coup de projecteur » sur sa ferme et ses produits, surtout quand il parvenait à accrocher des prix, comme ce fut le cas en 2024. « Nous y allions depuis vingt-cinq ans, c’était une fierté pour nous », ajoute-t-il avec émotion.
Alors, les vaches blanches et noires seront-elles de retour à Paris en 2026 ? Les discussions sont en cours parmi les éleveurs. « Nous préparons déjà nos bêtes pour revenir », assure Lionel Vaxelaire. Cependant, Florent Campello reste plus circonspect. « Ce transport long pour une visibilité limitée me fait réfléchir. Pourquoi évoquer l’agriculture seulement dix jours par an ? », s’interroge-t-il, avant d’ajouter : « Cette année est l’occasion d’une remise en question, potentiellement le début d’un nouveau projet. »