Elles demandent que soient rendus les capitaux obtenus grâce à des actions illégales menées par Bolloré SE, ainsi que par Vincent et Cyrille Bolloré. Elles critiquent également la manière dont l’entreprise de cet industriel de Bretagne a acquis des concessions portuaires dans divers États d’Afrique de l’Ouest.
Un regroupement d’organisations non gouvernementales (ONG) sous le nom de Restitution Afrique (RAF), qui inclut onze associations de l’Afrique de l’Ouest, a porté plainte le mardi 18 mars contre l’industriel français Vincent Bolloré. L’action en justice a été intentée principalement pour des accusations de recel et de blanchiment, auprès du parquet national financier (PNF) à Paris, comme l’a rapporté 42mag.fr ayant consulté le document de la plainte.
Le collectif Restitution Afrique est dirigé par Jean-Jacques Lumumba. Il rassemble 11 ONG présentes dans cinq pays africains, à savoir le Togo, la Guinée, le Ghana, le Cameroun et la Côte d’Ivoire, ainsi qu’une en France. Elles exigent « la restitution des sommes gagnées à travers des activités illégales commises par Bolloré SE, Vincent Bolloré et Cyrille Bolloré » et mettent en lumière les méthodes par lesquelles le groupe breton a acquis des concessions portuaires dans plusieurs pays de cette région.
En 2021, Bolloré avait profité d’un accord judiciaire d’intérêt public (CJIP) et était parvenu à écourter plus d’une décennie de procédures pour corruption au Togo en réglant une amende de 12 millions d’euros. Cependant, Vincent Bolloré pourrait être confronté à un procès pénal pour des faits de corruption. En juin 2024, le PNF a réclamé l’ouverture d’un procès contre Vincent Bolloré, notamment pour des accusations de corruption liées aux activités de son groupe en Afrique de l’Ouest. Un juge d’instruction est en charge de décider de l’éventualité d’un tel procès.
Avec cette nouvelle plainte, les ONG visent à établir par voie judiciaire un dispositif de « biens mal acquis inversés » pour contraindre le groupe Bolloré à retourner l’argent amassé en Afrique de l’Ouest aux populations locales. Ce processus a été rendu possible par une loi française adoptée en 2021.
Des « connexions rapprochées » avec des dirigeants africains
Dans la zone concernée (Togo, Guinée, Ghana, Cameroun et Côte d’Ivoire), Bolloré Africa Logistics, une branche de Bolloré SE, a réussi à obtenir les contrats de gestion de plusieurs ports majeurs. « Le succès du groupe Bolloré a souvent été attribué à des stratégies d’influence délibérées et à l’établissement de relations étroites et affirmées avec les élites politiques et économiques locales », soulève la plainte déposée par le collectif Restitution Afrique (RAF). « Vincent Bolloré a en effet maintenu des connexions rapprochées avec de nombreux responsables politiques africains et les membres proches du pouvoir », poursuit le RAF.
S’appuyant sur des reportages journalistiques, y compris celui du New York Times publié en 2018, la plainte énumère les « connexions rapprochées » que Vincent Bolloré aurait cultiver avec des chefs d’État africains et les échanges de faveurs qu’ils auraient pratiqués, citant notamment Faure Gnassingbé (Togo), Alpha Condé (Guinée), Paul Biya (Cameroun), Denis Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville), ou encore Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire).
La plainte attiire, par ailleurs, l’attention sur d’autres affaires douteuses, indiquant les concurrents écartés ou le manque d’appels d’offres pour des projets confiés au groupe Bolloré « souvent en échange de soutiens financiers et politiques, le mettant dans une position de quasi-monopole » dans cette partie de l’Afrique.
Le collectif Restitution Afrique (RAF) juge que toutes les concessions obtenues illégalement par Bolloré Africa Logistics, « ont généré des milliards d’euros de revenus », ce qui aurait « représenté jusqu’à un quart du chiffre d’affaires global du groupe (Bolloré) et jusqu’à 80% de ses bénéfices ».
Une possible blanchiment de 5,7 milliards d’euros
Les ONG pointent également du doigt un potentiel blanchiment de 5,7 milliards d’euros issus de la vente de la filiale Bolloré Africa Logistics par le milliardaire breton en 2022 à l’entreprise maritime italo-suisse MSC. Pour justifier leur demande de restitution des profits aux populations concernées, le RAF s’appuie sur une loi française de 2021. Cette loi de programmation concernant le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales a mis en place un système pour le retour transparent des biens mal acquis aux citoyens des pays d’origine de ces fonds.
« Ces fonds pourraient être admissibles à une restitution aux nations et populations africaines concernées, établissant ainsi un précédent juridique contre les multinationales, notamment françaises, accusées d’exploiter des ressources ou des infrastructures stratégiques acquis de manière frauduleuse à l’étranger », explique le collectif composé de onze ONG, qui emploie le terme de « biens mal acquis inversés » pour décrire ce mécanisme. Cela « permettrait aux populations lésées de récupérer directement les revenus illégaux générés sur leur territoire. »
Avec cette plainte déposée auprès du PNF, le collectif Restitution Afrique (RAF) espère qu’une « enquête pénale puisse déboucher sur un procès public et, en cas de succès, au retour de ces fonds sur le sol africain ».