En raison du refus de l’Algérie d’accepter le retour d’environ soixante de ses ressortissants qui sont identifiés sur une liste établie par la France et que cette dernière souhaite expulser, le ministre de l’Intérieur a décidé d’adopter une position plus ferme.
Il devient désormais nécessaire d’accepter un rapport de force. Ce rapport de force s’exprime à travers les visas et l’accord de 1968. Il semble que nous ayons été, pour ainsi dire, trop conciliants« , affirmait Bruno Retailleau à la fin du mois de février. Quelques semaines plus tard, le lundi 17 mars, le ministre de l’Intérieur a lancé ce qu’il nomme une « riposte progressive« . La France avait élaboré une liste de citoyens algériens susceptibles d’être reconduits à la frontière, mais l’Algérie refusait de les accueillir.
Dans cette liste, étaient mentionnés une « soixantaine de personnes » de nationalité algérienne, condamnées en France et que Paris souhaitait renvoyer au-delà de la Méditerranée. Il s’agissait de « profils perturbants pour l’ordre public, souvent sortis de prison ou considérés comme dangereux« , précisait le ministère de l’Intérieur, tout en choisissant de ne pas « rendre publique cette liste » afin de ne pas individualiser les cas. La France avait accordé plusieurs semaines à l’Algérie pour fournir les laissez-passer consulaires nécessaires. Toutefois, au bout de trois jours, l’Algérie rejetait la totalité de la liste, dénonçant ce qu’elle considérait comme un « ultimatum » de la part de Paris.
Cette liste représentait un test crucial pour le gouvernement français : l’Algérie était-elle prête à reprendre ses ressortissants conformément aux accords établis avec la France ? Ceci était l’enjeu soulevé par François Bayrou quelques semaines auparavant. « Imaginez la situation inversée, avec l’Algérie cherchant à nous renvoyer des délinquants ou des criminels potentiels, et que nous refusions. Quelle aurait été la réaction des autorités algériennes ?« , s’interrogeait alors le Premier ministre. Face au refus algérien, Bruno Retailleau a réagi immédiatement le lundi 17 mars au soir : « Les Algériens ne respectent pas notre accord de 1994. Nous devons engager la riposte progressive, comme décidé par le comité interministériel« .
Visas, « privilèges spécifiques », remise en cause des accords…
Le gouvernement dispose de plusieurs options qu’il peut activer successivement. En premier lieu, il pourrait rendre les visas obligatoires pour les titulaires de passeports diplomatiques. D’autres mesures pourraient suivre et toucher l’ensemble des Algériens, avait averti François Bayrou, évoquant les « privilèges spécifiques » tels que les facilités pour la vie commune ou pour les mariages en France, ainsi que l’accès aux prestations sociales. « Au final, si Alger persiste à ne pas répondre, la seule issue possible serait de remettre en question les accords« , précisait le chef du gouvernement il y a trois semaines.
Tout de suite après, Emmanuel Macron a tenu à modérer les propos de son Premier ministre. En effet, c’est le président de la République qui a la responsabilité des traités. « Nous n’allons pas les remettre en cause de façon unilatérale, cela n’a pas de sens« , clarifiait Emmanuel Macron fin février, appelant plutôt à une « discussion » avec Alger. « Il ne faut pas que (les relations) soient instrumentalisées à des fins politiques« , ajoutait le président français, adressant ce message à son homologue algérien et peut-être aussi à son ministre de l’Intérieur. Bruno Retailleau reste le seul à avoir réagi publiquement ce lundi soir. Il a fait du cas algérien un marqueur de sa politique d’intransigeance au ministère de l’Intérieur, allant jusqu’à mettre en jeu sa démission s’il n’obtenait pas les moyens d’agir.