Cela fait presque deux ans que le parquet d’Amiens offre une alternative aux consommateurs de drogue appréhendés. Ils ont la possibilité de suivre un traitement pour leur dépendance, ce qui leur permettrait d’échapper à une peine. Cette initiative connaît un certain succès, car plus de cinquante pour cent des personnes concernées parviennent à se libérer de leur addiction.
Une approche audacieuse pour contrer le narcotrafic
Dans la ville d’Amiens, une nouvelle stratégie a été mise en place par le parquet pour lutter contre les drogues, inspirée des méthodes britanniques et américaines. Depuis près de deux ans, les consommateurs de stupéfiants en infraction se voient proposer une alternative aux sanctions judiciaires classiques : une obligation de suivre des soins thérapeutiques, permettant ainsi d’esquiver amendes et condamnations. Cette initiative vise à réduire le nombre d’usagers de drogue, et les premiers résultats semblent prometteurs.
L’année dernière, Mathias, âgé de 19 ans, a été interpellé par la police. À cette époque, il admettait consommer trop de cannabis, environ 15 à 20 joints quotidiennement, une habitude qui lui coûtait près de 300 à 400 euros chaque mois. À la proposition du parquet de suivre une surveillance judiciaire plutôt qu’une peine financière, Mathias a immédiatement accepté. Il expliquait : « Je ne voulais pas passer ma vie à fumer. C’était l’occasion d’arrêter, même si c’était difficile. »
Cependant, ce parcours n’a pas été de tout repos. Mathias confiait : « Grâce aux dispositifs offerts, j’ai été soutenu, mais j’ai quand même souffert de sueurs nocturnes et de troubles du sommeil. »
Pour Pierre, 44 ans, la situation était différente. Dépendant de la cocaïne et sans logement stable, il a dû se plier à des prélèvements réguliers et à des convocations judiciaires. Après s’être fait surprendre par la police alors qu’il fumait de la cocaïne dans la rue, Pierre a été intégré dans ce programme pour éviter l’incarcération. Aujourd’hui, six mois plus tard, il continue sa bataille contre l’addiction, tout en espérant obtenir un logement, considérant cela comme la première étape d’une nouvelle vie.
Une majorité de bénéficiaires sur le chemin de la guérison
Léa Vézien, qui travaille à l’Association d’enquête et de médiation, s’occupe notamment d’accompagner ces personnes fragilisées. Elle explique que l’accompagnement est individualisé : « Certaines personnes, bien qu’incluses socialement, ont des fragilités psychiques qui les rendent vulnérables à des consommations répétées. D’autres vivent in extremis, où l’accès à un logement devient crucial pour stabiliser leur vie, car les environnements précaires facilitent les comportements addictifs. Notre rôle est d’ajuster l’accompagnement à leurs besoins spécifiques. »
En un an et demi, ce programme a intégré 305 individus, se réjouit Jean-Philippe Vicentini, le procureur d’Amiens à l’origine du projet. De ces participants, 65% ont réussi à surmonter leur addiction, tandis que seulement 4% ont rechuté. Vicentini se souvient : « Dans mon précédent poste, les policiers me montraient régulièrement les photos des consommateurs qui revenaient systématiquement acheter de la drogue. Il est évident que, sans réponses concrètes face à ces dépendances, la lutte contre le narcotrafic demeure vaine. »
Il souligne toutefois la rigueur du dispositif : « C’est une procédure judiciaire exigeante : ceux qui s’en soustraient finissent par passer devant le tribunal. »
Enfin, Vicentini ajoute : « Vaincre une addiction, c’est bien plus éprouvant que de simplement régler une amende. Notre motivation n’est pas de laxisme, mais d’efficacité. » Le volet économique n’est pas à négliger non plus : une journée de détention coûte 100 euros, un suivi électronique 20 euros, alors que ce programme représente seulement 4 euros par jour. Libérer une personne de son addiction permet de réorienter ses finances vers des usages plus constructifs.
Néanmoins, comme le reconnaît le procureur, la réussite de ce programme gagnerait à être étendue à d’autres parquets pour maximiser son impact.