Jamais auparavant un jeu développé par Ubisoft n’avait suscité autant de critiques sévères avant même d’être disponible au public.
L’épisode intitulé Shadows de la célèbre série de jeux vidéo Assassin’s Creed, qui est prévu pour être lancé le jeudi 20 mars, soulève une certaine controverse au Japon. Un parlementaire nippon a exprimé mercredi 19 mars son mécontentement concernant ce nouvel opus, se plaignant qu’il présente une scène où un personnage de samouraï saccage l’intérieur d’un sanctuaire shinto. Développé par la société française Ubisoft, Shadows place son intrigue dans le Japon féodal du XVIe siècle, en s’inspirant d’événements historiques réels ainsi que de cinématographiques de samouraïs.
Une séquence du jeu, diffusée sur YouTube, montre un personnage utilisant un arc pour viser des prêtres et détruisant des objets traditionnels tels qu’un tambour et un autel. Cet extrait a rapidement provoqué une réaction de mécontentement à Tokyo. « Il est essentiel de respecter la culture », a déclaré au Parlement Hiroyuki Kada, membre du Parti libéral-démocrate, actuellement au pouvoir. Il a ajouté : « Je suis inquiet que les actes de destruction dans le jeu puissent inciter à des comportements nuisibles dans la réalité ».
Le député a aussi reproché au concepteur de jeu d’origine française d’avoir utilisé un sanctuaire situé dans sa circonscription de la région de Hyogo (ouest) sans avoir obtenu l’assentiment des responsables du sanctuaire.
Le dilemme du samouraï
L’un des personnages principaux jouables de Shadows, Yasuke, suscite déjà un débat intense en ligne. Yasuke est un personnage noir qui sert le seigneur de guerre Oda Nobunaga et possède le rang de samouraï. « Le parti pris du jeu est de le présenter comme un samouraï », explique Pierre-François Souyri, spécialiste du Japon et consultant pour Ubisoft. « Il a réellement existé », souligne l’historien, « mais les documents historiques à son sujet sont parfois difficiles à interpréter ».
À l’inverse, Yuichi Goza, maître de conférences au Centre national de recherche des études japonaises à Kyoto, suggère que « rien n’indique que Yasuke avait des aptitudes de samouraï ». Pour ce chercheur spécialisé dans le Japon médiéval, « Yasuke se distinguait surtout par sa couleur de peau et sa force physique », pensant qu’il est probable qu’« Oda Nobunaga ait voulu faire de Yasuke une attraction ».
Au Japon, une pétition a été lancée contre la représentation de Yasuke en tant que samouraï et a déjà récolté plus de 100 000 signatures. Le texte de la pétition accuse les développeurs du jeu de « manque de précision historique et d’égards culturels ». Tout comme le député conservateur Hiroyuki Kada, plusieurs Japonais ont exprimé leur frustration face à l’option de détruire l’intérieur d’un sanctuaire offerte aux joueurs.
Bien que la série ait auparavant été sujette à des controverses – par exemple, Jean-Luc Mélenchon avait critiqué la représentation des révolutionnaires français dans Assassin’s Creed Unity –, c’est la première fois que l’une de ses éditions est confrontée à de telles critiques avant même d’être sortie.