Les Sages ont choisi de se limiter à traiter directement la question prioritaire de constitutionnalité qui leur avait été soumise par un représentant local de Mayotte. Cette décision n’impacterait pas Marine Le Pen, qui devra attendre lundi pour connaître le verdict concernant sa possible inéligibilité liée à l’affaire des assistants parlementaires du Front national.
Le suspense demeure toujours. Le verdict prononcé le vendredi 28 mars par le Conseil constitutionnel concernant l’inéligibilité immédiate ne changera rien pour Marine Le Pen. Cette dernière risque de ne pas pouvoir briguer un mandat en 2027 à cause de l’affaire des assistants parlementaires du Front national. Son sort sera cependant décidé au tribunal ce lundi. Dans cette décision, les Sages ont simplement répondu à la question posée, qui concernait les élus locaux, et ont conclu que la loi respectait la Constitution.
La semaine dernière, le Conseil constitutionnel s’est intéressé à l’inéligibilité immédiate à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui n’avait aucun lien direct avec le cas du Rassemblement national. Néanmoins, la coïncidence de calendrier a engendré de nombreuses spéculations sur les répercussions possibles de cette décision sur le jugement du tribunal correctionnel de Paris prévu lundi. C’est à ce moment-là que Marine Le Pen saura si les magistrats suivent les réquisitions du parquet, qui a suggéré une inéligibilité immédiate, applicable même en cas d’appel.
Dans son entourage, on espérait que le Conseil constitutionnel saisirait cette QPC pour adresser un message aux juges en charge de son affaire, en se prononçant de façon plus exhaustive sur le principe d’inéligibilité immédiate. L’idée aurait été, par exemple, d’affirmer que le droit des électeurs de choisir leur candidat à la présidentielle devait l’emporter sur une décision judiciaire non définitive. Toutefois, cela ne s’est pas concrétisé. Le Conseil constitutionnel s’est contenté de faire « un rappel assez classique des règles de l’équilibre que le juge connaissait déjà », remarque Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public à l’université de Rouen.
« Exigence de probité et exemplarité des élus »
« Il appartient au juge, dans sa décision, de juger du caractère proportionné de l’impact que cette mesure peut avoir sur l’exercice d’un mandat en cours et sur la préservation de la liberté de choix de l’électeur« , ont écrit les Sages dans leur décision. La QPC, examinée le 18 mars devant un public exceptionnellement nombreux, avait été soumise par un élu local de Mayotte, qui a perdu son mandat après avoir été condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate. Ses avocats avaient notamment fait valoir que cette règle allait à l’encontre de la Constitution car elle nuisait à la séparation des pouvoirs et à la « préservation de la liberté de l’électeur ».
Ils avaient également soutenu qu’il existait une inégalité de traitement entre les parlementaires (élus nationaux) et les élus locaux dans ce domaine : les premiers dépendent du Conseil constitutionnel, qui refuse systématiquement de prononcer une déchéance de mandat tant que la décision de justice n’est pas définitive, alors que les seconds dépendent du Conseil d’État, qui applique, quant à lui, l’inéligibilité immédiate.
Le Conseil constitutionnel a rejeté ces critiques dans sa décision. Premièrement, il a reconnu que la destitution d’un élu local portait atteinte à son droit à l’éligibilité, mais a jugé que cette atteinte était proportionnée, notamment en raison de « l’exigence de probité et d’exemplarité des élus, et la confiance des électeurs dans leurs représentants ». Ensuite, il a estimé que la « différence de traitement » entre élus nationaux et locaux était justifiée parce que les parlementaires, contrairement aux élus locaux, « participent à l’exercice de la souveraineté nationale, votent la loi et contrôlent l’action du gouvernement ».