Le Mexique, le Japon et le Canada comptent parmi les nations les plus vulnérables. En ce qui concerne l’Europe, l’Allemagne sera touchée de manière significative.
Un bouleversement mondial s’annonce sur le plan économique. Mercredi dernier, le 26 mars, Donald Trump a révélé l’instauration de taxes douanières additionnelles de 25% visant « toutes les voitures ne se fabriquant pas aux Etats-Unis ». Selon le président américain depuis la Maison Blanche, ces nouvelles taxes prendront effet « le 2 avril et nous débuterons leur perception dès le 3 ». Franceinfo fournit une analyse détaillée de cette nouvelle qui suscite de vives inquiétudes dans le domaine automobile.
1 Quelles étaient les taxes actuelles ?
Jusqu’à présent, les droits de douane sur les voitures importées en provenance des Etats-Unis étaient de 2,5%. Toutefois, en février, lors d’une conférence de presse en Floride, Trump avait déjà évoqué un projet de majoration de ces droits de 25%. « L’Union européenne (UE) appliquait des taxes de 10% sur les voitures, qu’ils ont ensuite réduites à 2,5%, soit le même taux que nous. Si le monde entier agit ainsi, nous serons sur un pied d’égalité ». « J’observe attentivement ces mesures. Cependant, l’UE ne nous a pas traité équitablement : notre déficit commercial s’élève à 350 milliards de dollars [324 milliards d’euros], ils n’achètent pas nos véhicules ni nos biens agricoles, pratiquement rien du tout. Cela doit être corrigé », avait-il averti.
La mise en œuvre de cette menace est désormais tangible. Dès le 2 avril, une taxe additionnelle de 25% sera mise en place. « Ces taxes viennent s’ajouter aux droits de douane existants sur ces produits », a précisé un conseiller de Trump. « Nous ferons contribuer les pays qui font du commerce sur notre sol et accaparent notre richesse », a justifié le président. Cette augmentation ne concernera pas seulement les véhicules fabriqués à l’étranger : les pièces détachées sont également visées.
2 Quels seront les pays exportateurs les plus affectés ?
Le Mexique, dont les Etats-Unis sont le principal partenaire économique, pourrait être lourdement touché. Environ 83% des échanges extérieurs du Mexique se réalisent avec les Etats-Unis, comprenant des véhicules, pièces détachées et produits agricoles. Le Japon est aussi en difficulté. En 2024, l’industrie automobile représentait 28% des exportations japonaises vers les Etats-Unis, soit 1,35 million de véhicules, pour une valeur de 40 milliards de dollars, selon le département du Commerce américain. La Corée du Sud n’est pas en reste puisque c’est le deuxième exportateur de voitures vers les Etats-Unis (1,4 millions en 2024) selon les mêmes sources.
Du côté du Canada, le journal La Presse rappelle que 9% des véhicules achetés par les Américains sont produits au Canada et que 93% des voitures fabriquées dans ce pays sont destinées au marché américain.
Les nations européennes éprouveront aussi des difficultés, car le marché américain est crucial pour les constructeurs européens. En 2024, près de 750 000 véhicules ont été vendus aux États-Unis par ces constructeurs, d’après un rapport professionnel (document PDF). L’Allemagne serait particulièrement mise à mal. Même si les fabricants allemands ont des installations aux Etats-Unis, la majorité de leurs modèles haut de gamme proviennent d’Allemagne ou d’Europe de l’Est. Le groupe Volkswagen produit ses Audi et Porsche hors des frontières américaines. Mercedes, de même que BMW, exportent leurs berlines depuis l’Europe.
La Slovaquie, dont le secteur automobile dépend d’un marché américain représentant plus de 6 milliards d’euros, est également concernée, selon Le Figaro et l’AFP. L’Italie et la Suède viennent ensuite. Pour ce qui est de la France, elle semble relativement épargnée. « Nos sites de production en France ne seront pas trop affectés, » a déclaré Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile sur 42mag.fr. La France exporte peu de voitures vers les Etats-Unis.
3 Les constructeurs américains seront-ils également impactés ?
Certes, puisque plusieurs entreprises américaines possèdent des sites de production à l’étranger pour alimenter le marché national, notamment au Mexique et au Canada. Ford, par exemple, importe 20% des voitures qu’elle vend aux Etats-Unis, tandis que General Motors en importe environ 750 000 chaque année, principalement des deux pays voisins, selon l’AFP.
Elon Musk a rapidement indiqué que l’imposition de nouveaux droits de douane influencerait sensiblement le coût de fabrication des voitures Tesla, notamment à cause des pièces détachées importées. Les voitures produites au Mexique ou au Canada seront affectées par ces 25% de taxes uniquement concernant les pièces fabriquées hors des Etats-Unis. Aux Etats-Unis, la moitié des voitures achetées sont importées, selon Axios, et d’innombrables pièces étrangères nécessaires à l’assemblage affecteront la production locale, souligne l’Association des concessionnaires américains dans un document (document PDF).
4 Les pays exportateurs concernés riposteront-ils ?
Le Premier ministre canadien, Mark Carney, a qualifié cette mesure d’« attaque directe contre nos travailleurs ». Il a insisté : « Nous protégerons nos industries et notre nation ». Le gouvernement du Japon a également exprimé ses réserves, soulignant les répercussions potentiels substantielles de la politique douanière américaine sur les relations économiques Japon-USA et sur l’économie globale et les systèmes commerciaux multilatéraux.
Eric Lombard, le ministre français de l’Economie, a décrit la situation comme une « agressivité croissante. C’est une mauvaise nouvelle, une décision clairement non coopérative, a-t-il expliqué sur France Inter. (…) L’UE pourrait devoir augmenter ses propres tarifs douaniers contre les produits américains. Une liste est actuellement en cours de préparation par la Commission ».
Robert Habeck, ministre allemand de l’Économie, a demandé une « réplique forte » de l’UE, soulignant qu’il est impératif que l’Europe ne cède pas face aux États-Unis. L’UE devrait faire preuve de « résolution et d’assurance » face à Washington.
Rachel Reeves, ministre britannique des Finances, a mis en garde sur Sky News que ces guerres commerciales « n’apportent rien ». Elles augmentent le coût de la consommation, exacerbant l’inflation, tout en nuisant aux exportations britanniques. Le gouvernement chinois estime également qu’« il n’y a pas de vainqueur dans une guerre commerciale ou douanière ».
5 Les Américains verront-ils le prix des voitures augmenter ?
« Nous demandons au président [Donald] Trump de réfléchir aux répercussions négatives des droits de douane non seulement sur les fabricants automobiles mondiaux, mais aussi sur l’économie automobile nationale », a souligné Sigrid de Vries, directrice de l’Association européenne des constructeurs automobiles.
Les droits de douane de 25% « pèsent lourd sur les entreprises et chaînes d’approvisionnement internationales » du secteur automobile, avec des conséquences néfastes, notamment pour les consommateurs, y compris en Amérique du Nord, selon une déclaration des constructeurs automobiles allemands. « Les retombées se feront sentir de manière globale ».
Pour Ford, GM et Stellantis, il est crucial de veiller à ce que ces taxes ne fassent pas « flamber les prix pour les consommateurs », ont-ils affirmé dans un communiqué de leur association professionnelle. Ils soutiennent la « concurrence » de la production automobile « nord-américaine », englobant le Canada et le Mexique.
La stratégie économique de Donald Trump, axée sur le protectionnisme et la réindustrialisation, pourrait bien se retourner contre lui, car la lutte contre l’inflation était un de ses points forts de campagne. « Élever les droits de douane engendre une hausse des prix », commentait Véronique Riches-Flores, une économiste indépendante, à 42mag.fr mi-mars. « Le protectionnisme engendre l’inflation. »
