Dans le bastion du Pas-de-Calais, où le Rassemblement national de Marine Le Pen a traditionnellement un fort soutien, les partisans expriment leur « désenchantement » à la suite de la décision rendue lundi par le tribunal correctionnel de Paris contre la candidate qui s’était présentée trois fois aux élections présidentielles.
Une journée habituelle à Hénin-Beaumont
Ce lundi 31 mars semblait être un jour comme les autres à Hénin-Beaumont, si ce n’est pour la présence inhabituelle de caméras se concentrant sur l’hôtel de ville. Sous un ciel gris, journalistes et passants attendaient le verdict concernant Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires des élus européens du Front national. Dans cette ville du Pas-de-Calais, où elle maintient sa présence électorale depuis 2017, les écrans dans les cafés ne diffusent pas les chaînes d’information en continu, mais plutôt des émissions de divertissement ou les résultats du loto. Au bar face à l’église, la clientèle est partagée entre les clients réguliers et les journalistes présents, certains jetant des coups d’œil nerveux à leurs smartphones. « Le verdict est-il tombé déjà ? » demande Patrick, un habitué, en regardant l’horloge qui affiche 11 heures.
Une demi-heure auparavant, le tribunal correctionnel de Paris avait commencé ses séances, avec Marine Le Pen et 24 autres co-accusés espérant connaître leur sort. Face à Patrick, son ami Pierre, également retraité et partisan du RN, dévore le journal du jour, soulignant à son interlocuteur un article sur les derniers sondages mettant la candidate d’extrême droite en tête des intentions de vote pour le premier tour de la prochaine présidentielle. « Ce procès, ça va l’aider ! » pense-t-il, bien qu’il reste à voir si elle pourra se présenter en 2027. À 11h30, le ciel s’éclaircit, et l’espoir est encore présent.
Des réactions vives suite au verdict
À 200 kilomètres de là, Marine Le Pen est vue quittant rapidement la salle d’audience après que la présidente a annoncé la confirmation de l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité, mettant en avant « le risque de perturbations graves à l’ordre public » et que « soit candidate, notamment à une présidentielle, voire élue, une personne déjà condamnée en première instance. » Les clients désertent peu à peu le café. « Ça ne va pas nous empêcher de manger ! » plaisante Patrick en partant.
Peu avant 13 heures, le verdict tombe sévèrement : Marine Le Pen écope de deux ans de prison ferme et de cinq ans d’inéligibilité, avec effet immédiat. À moins qu’une décision en appel ne la décharge avant les prochaines élections, ses ambitions pour l’Élysée sont compromises. Cette décision résonne comme un séisme politique dans ses fiefs.
Des supporters abasourdis mais déterminés
« Je suis dégoûtée, furieuse, c’est trop injuste ! » souffle Nicole, une commerçante à la retraite. Elle est convaincue, comme beaucoup d’autres militants locaux, qu’une chasse politique a été orchestrée à l’encontre de leur leader, imputant cela au fait qu’elle s’appelle Le Pen. « On a pris un coup sur la tête, personne ne s’y attendait, » admet Bruno, après avoir suivi assidûment l’audience à la télévision. Les militants, bien que surpris par l’annonce, ont réagi promptement après avoir reçu un SMS d’un responsable local. Jacqueline, également retraitée, n’a pas tardé à se rendre à l’hôtel de ville pour exprimer son « dégoût » et réaffirmé son soutien à Marine Le Pen, déclarant qu’elle la défendrait bec et ongles.
« Il faut se mobiliser, montrer notre désaccord, » prêche Bruno, membre du RN à Hénin-Beaumont.
Alors que les options pour manifester ou s’organiser sont discutées, les partisans restent en attente des directives du parti et surtout de celles de leur candidate, qui doit s’exprimer sur TF1 lundi soir à 20 heures. « On est derrière elle, on ne lâchera rien. Non, bien sûr qu’on ne va pas se révolter, mais on ne cèdera pas, » assure Nicole.
Les propos critiques des responsables locaux
Steeve Briois, maire RN, accompagné par Christopher Szczurek, sénateur et conseiller municipal, partage ses premières impressions autour de 14 heures, critiquant vivement la décision de justice. « Je ne pensais pas que la République deviendrait une dictature judiciaire, » exprime-t-il, insurgé par ce qu’il qualifie de « dérive » judiciaire qui priverait des millions d’électeurs de leur candidate. « Ce n’est pas juste provisoire, c’est carrément définitif. Quelle est la prochaine étape ? Une peine capitale ? » s’indigne-t-il devant les médias.
Il promet d’informer et de sensibiliser les habitants, tout en rappelant les possibilités d’appel, qui permettent à Marine Le Pen de recouvrer sa présomption d’innocence. Toutefois, parmi ses fidèles, le moral reste bas.
« La surprise, l’indignation, la colère ne nous sapent pas le moral. Nous restons combattifs, » énumère Christopher Szczurek. « Cette décision des juges rend potentiellement illégitime tout candidat gagnant en 2027. » Questionné sur Jordan Bardella, autre figure du RN et possible prétendant à l’avenir, il répond : « Si nous devons changer de candidat, ce sera lui. Mais pour l’heure, Marine Le Pen reste notre choix naturel. »
Avenir sous la houlette de Bardella ?
Certains sympathisants se projettent déjà en 2027, envisageant un vote en faveur de Bardella, tout en ayant Marine Le Pen dans le rôle de guide. « Je voterai pour lui, mais Marine sera toujours derrière, » affirme Pierre, le retraité du café. Hamelin, trentenaire travaillant dans l’industrie, ne montre pas d’hésitation non plus : « Si ses idées restent, je pourrais voter pour lui, » plaisante-t-il à propos du jeune eurodéputé.
D’aucuns rêvent même de voir Marine Le Pen endosser la fonction de Première ministre sous une éventuelle présidence de Bardella. En attendant, les partisans à Hénin-Beaumont comptent se retrouver lundi soir pour faire face à l’assaut et écouter leur championne à la télévision avant de réfléchir aux étapes suivantes. « Nous saurons rebondir, » affirme Michel Carton, bien que l’incertitude règne dans le Pas-de-Calais comme au siège du RN.