La dirigeante des députés du Rassemblement National pourrait être condamnée à cinq ans de prison sans sursis, ainsi qu’à une interdiction de se présenter à des élections pendant cinq ans, avec une mise en œuvre immédiate de ces peines. Cette situation est liée à l’affaire concernant les assistants parlementaires du Front national, pour laquelle le verdict est attendu ce lundi.
Pouvons-nous imaginer qu’une affaire impliquant un élu local à Mayotte influence l’avenir politique de Marine Le Pen ? Le Conseil constitutionnel doit se prononcer ce vendredi 28 mars sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) liée aux peines d’inéligibilité exécutables immédiatement. Cette demande vient de Rachadi Saindou, l’ancien président de la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou. Ce dernier a été reconnu coupable en juin 2024 de détournement de fonds publics, recel et prise illégale d’intérêts. Sa condamnation inclut deux ans de prison, dont un an avec sursis, et une amende de 50 000 euros.
Sa condamnation s’est traduite par une perte immédiate de son mandat, et ce, en dépit de son appel, en raison de la peine d’inéligibilité avec application immédiate. Les articles L230 et L236 du Code électoral prévoient cette disposition que l’élu met en cause. Il estime que cette règle va à l’encontre de la Constitution, violant ainsi la séparation des pouvoirs et menaçant la « liberté de l’électeur« . Le Conseil d’État, après examen, a décidé que cette question méritait d’être soumise au Conseil constitutionnel.
Marine Le Pen suit de près la décision des Sages
La séance du Conseil constitutionnel du 18 mars a attiré un large intérêt médiatique. Cet intérêt s’explique par le parallèle avec une affaire plus retentissante. Le verdict des Sages, prévu pour le 31 mars, précède de peu le jugement attendu du tribunal correctionnel de Paris concernant l’affaire des assistants parlementaires du Front national.
Le parquet avait requis cinq ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité exécutables immédiatement contre Marine Le Pen en novembre. Cette peine d’inéligibilité est exigée par la loi en cas de détournement de fonds publics. Cependant, la demande d’exécution immédiate a surpris et provoqué des réactions d’indignation parmi les membres du RN et certains opposants politiques. Si elle venait à être appliquée, cette sanction empêcherait Marine Le Pen de se présenter à l’élection présidentielle de 2027, à moins d’être relaxée avant cette échéance. Ses soutiens s’intéressent donc étroitement à la QPC déposée par l’élu mahorais.
La décision du Conseil pourrait-elle créer un précédent influençant le cas de Marine Le Pen ? Pour Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’université de Toulouse, cela semble improbable. Les Sages n’examinent pas spécifiquement la conformité constitutionnelle de l’exécution immédiate d’une peine d’inéligibilité, telle qu’énoncée par l’article 471 du Code de procédure pénale. Les textes visés par la QPC concernent les conseillers municipaux. « Même si le Conseil constitutionnel statuerait en faveur du requérant, cela n’aurait qu’un impact limité sur Marine Le Pen« , explique l’expert à 42mag.fr, qui a également publié une tribune dans Libération.
En cas de condamnation impliquant une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate, Marine Le Pen ne verrait pas son mandat de députée remis en cause immédiatement, car le Conseil constitutionnel, compétent pour ces questions, ne prononce de sanctions qu’une fois l’ensemble des recours épuisé. La seule conséquence directe serait la perte de son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais. Ainsi, la décision concernant l’élu mahorais pourrait uniquement affecter la déchéance de son mandat local. Un cadre du RN confie à 42mag.fr : « Nous estimons que cette décision n’aura pas d’incidence pour nous et qu’elle ne servira ni dans un sens ni dans l’autre pour Marine Le Pen en 2027« .
Danger d’une décision biaisée
Les partisans de la dirigeante du RN espèrent que cette opportunité incitera le Conseil constitutionnel à commenter plus largement la notion de « liberté de l’électeur ». Selon eux, cette liberté devrait toujours l’emporter sur une décision judiciaire non encore définitive. Bien que la QPC de l’élu mahorais soit distincte du cas de Marine Le Pen, le constitutionnaliste Benjamin Morel, interrogé par le Figaro, estime que cela pourrait amener le Conseil à préciser le cadre d’application de l’inéligibilité temporaire.
Des experts croient aussi que l’attention médiatique pourrait peser sur la décision judiciaire dans le dossier de Marine Le Pen, même si le tribunal a probablement déjà statué après quatre mois de délibération. Guillaume Tusseau, professeur de droit public à Sciences Po Paris, commente pour 42mag.fr : « L’affaire fait du bruit, c’est indéniable« . « Étant donné que le Conseil constitutionnel aborde ici des principes généraux, cela pourrait influencer l’approche des magistrats« .
Mathieu Carpentier critique cet effet : « C’est une prophétie autoréalisatrice, avec la décision utilisée par le RN et ceux prônant l’intégrité politique, exerçant ainsi une pression sur la justice« . Si la requête de l’élu mahorais est acceptée, les membres de l’extrême droite se préparent à réclamer que Marine Le Pen ne soit pas soumise à l’exécution immédiate de sa pénalité, en oubliant que les deux affaires diffèrent juridiquement.