L’ex-président de l’Assemblée nationale ainsi que du Conseil constitutionnel est décédé à l’âge de 80 ans. Durant toute sa vie professionnelle, il a constamment cherché à porter un regard critique sur le monde politique. Cela ne l’a pas empêché de le critiquer au besoin.
Les personnalités politiques des deux bords rendent hommage à « un homme au service » de la République. À 80 ans, Jean-Louis Debré, une figure proche de Jacques Chirac et anciennement à la tête de l’Assemblée nationale ainsi que du Conseil constitutionnel, s’est éteint. Cette nouvelle a été confirmée par sa famille et la présidente actuelle de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet. Jean-Louis Debré, héritier de Michel Debré, qui fut Premier ministre sous de Gaulle, a eu une riche carrière : il a été juge d’instruction, ministre de l’Intérieur de 1995 à 1997 sous Alain Juppé, avant de représenter l’Eure à l’Assemblée pendant vingt ans, jusqu’à prendre la présidence de cette institution après la réélection de Jacques Chirac en 2002.
Figure emblématique de l’Eure, Debré était reconnu pour son franc-parler, partageant ouvertement ses impressions et son regard sur la politique contemporaine. Vers la fin de sa carrière, il n’épargna pas ses contemporains, exprimant des critiques acerbes sur la politique actuelle.
« Spectacle politique »
Dans les derniers actes de sa vie, le 28 janvier 2023, Debré avait troqué sa place dans l’hémicycle pour les planches de théâtre. Aux côtés de Valérie Bochenek, il interprétait depuis plusieurs mois une pièce intitulée « Ces femmes qui ont réveillé la France », qu’il a dû abandonner pour des raisons de santé peu avant sa disparition en mars 2025.
Ce même jour, lors d’une interview sur France Culture, il confiait : « Je ne reconnais plus le monde politique actuel. Il m’échappe. Je l’observe avec une certaine distance ». Passé du rôle d’acteur politique à celui de comédien, il ne manqua pas de pointer du doigt la superficialité de la politique française contemporaine. « Aujourd’hui, la politique ne produit plus de figures marquantes comme auparavant. Elle s’apparente plutôt à un spectacle. L’important n’est plus le message, mais la manière dont il est délivré. Je reste perplexe face à l’immédiateté dans laquelle nous vivons, où l’on peut passer d’une opinion à son opposé en l’espace de quelques jours ».
« Lorsque j’écoute les discours des leaders politiques actuels, je trouve qu’il n’y a ni ambition, ni conviction, ni passion. Ce ne sont que des mots disposés les uns derrière les autres, souvent rédigés par leurs assistants ».
Jean-Louis Debré28 janvier 2023, sur France Culture
Éloignement de l’éthique
Quelques années auparavant, le 4 février 2017, lors d’une intervention sur France Inter pour discuter de son ouvrage « Dictionnaire amoureux de la République », édité chez Plon, Debré réagit en pleine tempête médiatique entourant l’affaire Fillon. Le candidat de droite pour la présidentielle était mis en cause par Le Canard enchaîné pour des emplois fictifs présumés. Sans se prononcer directement sur l’affaire naissante, Debré déclare : « Je ne me prononce pas sur la culpabilité, mais ces événements sont du pain bénit pour les ennemis de la République ».
« Les adversaires de la République prospèrent sur le manque d’éthique de certains ».
Jean-Louis Debré4 février 2017, sur France Inter
Une remarque qui fait mouche, d’autant plus qu’à cette période, c’est Bernard, son frère, député LR à Paris, qui assurait la défense de François Fillon.
« Rapprochements » avec l’extrême droite
Plus tard la même année, invité sur 42mag.fr le 8 décembre, l’ex-président du Conseil constitutionnel fait part de ses inquiétudes sur les positions du parti Les Républicains vis-à-vis de l’extrême droite. À l’époque, la communauté militante LR était sur le point de choisir le nouveau président du parti. Jean-Louis Debré, homme clé du RPR et de l’UMP des débuts, fervent admirateur de Chirac, avertit : « À force de se rapprocher de l’extrême droite, il arrivera un moment où la population préférera la version originale à sa réplique ».
Il explique aussi pourquoi il a pris ses distances avec le parti : « Je suis gaulliste et je ne souhaite pas m’engager dans un parti dont la ligne ne correspond pas à mes convictions et qui inquiète trop souvent ».
« À force de se rapprocher de l’extrême droite, il arrivera un moment où la population préférera la version originale à sa réplique ».
Jean-Louis Debré8 décembre 2017, sur 42mag.fr
La politique inspirée par le sport
Les archives de Radio France témoignent également de son regard critique sur le monde politique. Le 11 juillet 2018, sur 42mag.fr, Debré réagit à la qualification de l’équipe de France en finale de la Coupe du monde. Il incite à trouver une leçon pour la politique : « Le football est une discipline qui pourrait inspirer les politiques. C’est la solidarité de l’équipe qui joue un rôle central. »
« Les Bleus triomphent parce qu’ils se battent ensemble. La politique devrait suivre cet exemple. »
Jean-Louis Debré11 juillet 2018, sur 42mag.fr
« Aucun autre sport n’est capable de procurer une telle émotion collective », ajoutait l’ancien ministre de Chirac. Pour Debré, « dans le domaine politique, les qualités individuelles peinent souvent à se mettre au service du groupe ».