Sébastien Fraisse, en tant que président du directoire du groupe Indigo, supervise la gestion de 1,7 million de places de stationnement réparties à l’échelle mondiale, dont 650 se trouvent en France. Il décrit les stratégies adoptées par l’entreprise pour moderniser et ajuster ses espaces de stationnement afin de répondre aux besoins actuels des environnements urbains.
La société Parking Indigo est implantée dans dix pays et gère 1,7 million d’emplacements de stationnement à l’échelle mondiale, dont 650 parkings en France. Avec l’accent croissant sur la réduction des émissions de carbone et la montée des modes de transport écologiques dans les grandes et moyennes villes, comment les parkings vont-ils évoluer à l’avenir ? Les parkings existants pourraient-ils se voir attribuer de nouvelles fonctions ? Sébastien Fraisse, président du directoire d’Indigo, est reçu par 42mag.fr pour en discuter.
42mag.fr : Sébastien Fraisse, vous publiez vos résultats annuels : chiffre d’affaires en hausse de 10 %, atteignant 923 millions d’euros. Votre résultat opérationnel a augmenté de plus de 38 %. On dirait que le groupe est en bonne santé.
Sébastien Fraisse : Cela reflète notre performance en termes d’opérations, grâce à l’engagement total de nos équipes de 10 200 personnes dans le monde. C’est aussi le résultat de choix stratégiques pris il y a plusieurs années, qui se montrent payants aujourd’hui, incluant notamment des acquisitions réalisées dans différents pays en 2024.
Après la pandémie et avec le télétravail, tous vos clients sont-ils revenus ?
Globalement, nos clients sont revenus, mais la situation varie selon les villes et les pays, dépendant notamment de la taille urbaine. Dans des grandes villes comme Paris, le retour des clients n’est pas total. Cependant, la reprise a été relativement rapide dans de nombreux pays, sauf au Canada, où elle a pris un peu plus de temps.
Pouvez-vous expliquer pourquoi cela a pris plus de temps au Canada ?
Cela est principalement dû aux mesures strictes de confinement et de télétravail imposées par le gouvernement au Québec, qui ont duré plus longtemps que dans la plupart des autres pays.
Certaines villes cherchent à réduire le nombre de voitures. Comment cela vous affecte-t-il ?
Certaines villes de taille moyenne souhaitent réaménager leurs espaces, préférant des espaces conviviaux comme des terrasses de café aux emplacements pour voitures. Nous y construisons donc de nouveaux parkings. Dans des grandes métropoles comme Paris, l’accent est mis sur la réduction de l’espace réservé aux voitures en surface, pour les inciter à se garer dans des parkings.
Quel est votre avis sur la suppression par les députés des ZFE, les zones à faibles émissions, dans certaines villes ?
Nous avons une expérience unique en la matière, puisque beaucoup de nos emplacements en Europe, comme en Espagne ou en Belgique, pratiquent déjà ces zones. Un dispositif comme celui des ZFE existe depuis longtemps dans plusieurs pays et a fait ses preuves.
« Les ZFE fonctionnent depuis un certain temps dans de nombreux pays. »
Sébastien Fraisseà 42mag.fr
Bien sûr, c’est au législateur français de prendre ses décisions. Ce qui est clair, c’est que la régulation du trafic urbain est en marche, que ce soit sous forme de ZFE ou d’autres solutions, comme des zones à trafic limité, ce qu’on peut observer dans certains endroits en Italie.
Quel en a été l’impact en Europe pour votre groupe ?
Nous n’avons pas vraiment été impactés. Nous avons beaucoup contribué à ces zones, notamment dans des villes où nous gérons aussi le stationnement de voirie, avec la suppression progressive de places en surface. Cela a modifié notre clientèle, qui doit maintenant se garer dans nos parkings relais, en particulier proche des gares, pour encourager de nouveaux comportements de stationnement.
Vous avez 650 parkings en France. Comment gérez-vous votre politique tarifaire ?
Indigo n’a pas une politique tarifaire unique en France ; chaque contrat de parking a sa propre dynamique. Parmi nos 650 parkings, environ 85 % sont sous délégation de service public, ce qui signifie que les villes, qui restent propriétaires, déterminent la politique tarifaire.
« La ville décide de la politique tarifaire. »
Sébastien Fraisseà 42mag.fr
Cette politique dépend de nombreux paramètres, dont l’orientation politique en matière de mobilité ; elle vise à encourager certains comportements et en décourager d’autres.
Vous prévoyez 8 000 bornes de recharge pour voitures électriques d’ici fin 2025. Où en êtes-vous ?
Nous visons effectivement 8 000 bornes, et avons déjà dépassé les 10 000 à l’échelle mondiale. En France, nous avons installé plus de 6 000 points de recharge en peu de temps. C’est un exploit, car même si cela est peu visible comparé à la construction d’un parking, cela représente une prouesse technique et administrative.
L’enjeu des voitures électriques : un défi majeur pour vous et vos clients ?
Oui, c’est un enjeu crucial d’adapter nos infrastructures aux nouvelles formes de mobilité. Les véhicules électriques sont encouragés dans certains endroits, et peuvent même devenir obligatoires. Nous devons donc être prêts à accueillir ces clients et leurs besoins. Nous nous adaptons aussi pour accueillir les cyclistes, car de plus en plus de citadins font le choix du vélo.
« Aujourd’hui, nous avons de plus en plus de parcs à vélos sécurisés dans nos parkings. »
Sébastien Fraisseà 42mag.fr
Investissez-vous dans les mobilités douces ?
Oui, nous investissons considérablement. Fin 2024, nous avons acquis 100 % de Smovengo, opérateur du service de vélos en libre-service Vélib, Présent dans le Grand Paris avec un service de vélos partagés le plus grand au monde, avec 49 millions de trajets effectués en 2024. C’est une performance quotidienne pour fournir ce service.
Vos objectifs pour 2025 avec Vélib ?
Nous voulons simplement assurer un service efficace pour les collectivités, bien que ce ne soit pas toujours facile, surtout aux heures de pointe avec ses 470 000 abonnés. La demande est très élevée !
Pour le parking du futur, vous transformez un parking parisien en un centre de logistique urbaine. Qu’allez-vous concrètement faire ?
Notre idée est que nos parkings, avec l’infrastructure dont ils disposent, peuvent répondre aux besoins urbains locaux, par exemple en logistique. Cela pose un défi aux politiques, surtout dans des zones centrales comme Paris, où trouver du foncier est difficile.
« Nos parkings peuvent accueillir de nouvelles activités, après adaptation. »
Sébastien Fraisseà 42mag.fr
Vous convertissez un parking en centre logistique à Bercy. Y a-t-il d’autres projets ?
Nous avons déjà trois projets en cours, y compris celui de Bercy. Environ 20 000 mètres carrés seront convertis pour ces nouveaux usages. Cela n’a jamais été réalisé à cette échelle et nous espérons étendre ce modèle aux autres villes denses.
Envisagez-vous de moins vous concentrer sur l’automobile ?
Ce n’est pas question de délaisser la voiture, mais d’optimiser l’espace existant pour des besoins futurs. Les parkings construits il y a des années seront peut-être trop grands pour le seul stationnement. Nos infrastructures doivent aussi pouvoir répondre à d’autres besoins urbains.
Avez-vous des objectifs chiffrés pour Paris ?
Nous espérons que d’ici quelques années, au moins 10 % de nos activités parisiennes proviendront de ces nouvelles activités. C’est un objectif ambitieux pour nous, car nous partons de presque rien.
Recrutez-vous activement et êtes-vous en mesure de le faire efficacement ?
Nous sommes toujours en phase de recrutement à l’échelle mondiale. En France, nous recherchons des personnes, parfois peu ou pas diplômées, et nous leur offrons des perspectives. Nous leur apprenons des métiers, la gestion et le management, et brièvement, des diplômes reconnus par l’État. C’est une fierté pour nous, car nous jouons un rôle clé dans l’intégration professionnelle au cœur des villes.