Comme en Moldavie et en Roumanie, le gouvernement craint que la Russie cherche à favoriser les candidats favorables à ses intérêts en exerçant une influence sur les réseaux sociaux.
En plus de la menace militaire venant de la Russie, une autre source d’inquiétude préoccupe grandement le gouvernement français : la menace numérique. Il s’agit notamment du risque d’ingérence de la part de Moscou dans les élections futures, en commençant par la présidentielle de 2027. Le détournement des réseaux sociaux à des fins électorales occupe une place centrale parmi les préoccupations de l’Élysée.
Le 10 mars dernier, Emmanuel Macron a accueilli Maia Sandu, la présidente de la Moldavie, qui doit faire face, selon ses dires, à des « tentatives russes de déstabilisation toujours plus audacieuses ». En octobre, elle a remporté de justesse un référendum confirmant son objectif d’adhérer à l’Union européenne, malgré une manipulation de près de 300 000 voix attribuée à des fonds russes estimés à environ 100 millions d’euros.
Dernièrement, le cas de l’élection présidentielle en Roumanie illustre bien ce phénomène. Ayant été rejeté par la commission électorale, Calin Georgescu, candidat d’extrême droite, a fait appel pour participer au nouveau vote après l’annulation de celui de novembre. Cet outsider qui n’avait pas mené campagne – ni réunions publiques, ni interviews – a surpris en se hissant en tête du premier tour, grâce à l’appui massif d’influenceurs financés par le Kremlin, qui ont exploité TikTok pour manipuler l’opinion.
La manipulation des algorithmes
Des interférences venues de l’étranger auraient déjà eu lieu lors des élections européennes de 2024. Un rapport finlandais a récemment mis en lumière cet « effet TikTok ». La Russie est suspectée d’avoir manipulé les algorithmes de TikTok pour accroître la visibilité des partis d’extrême droite. En Espagne, cela a bénéficié au parti Vox et en Allemagne, les recherches sur la tête de liste écologiste sur TikTok redirigeaient directement vers les comptes de l’AfD. Selon certains experts, cela pourrait très bien s’être produit aussi en France, sans que personne ne le remarque. Ainsi, lors de la campagne pour les élections européennes de juin 2024, l’audience des vidéos des candidats sur TikTok variait selon les moments, ce qui est normal. Sauf pour Jordan Bardella, dont la visibilité restait élevée, quel que soit l’horaire. Les bots russes, ces programmes automatiques qui faussent les audiences, ne dorment jamais.
La France rencontre des difficultés à se protéger de telles ingérences avant 2027. La mise en œuvre du Digital Services Act, la législation européenne visant à interdire la diffusion de contenus illicites en ligne, reste assez désorganisée. Chaque fermeture de compte est rapidement dénoncée comme une atteinte à la liberté d’expression par ceux impliqués dans la déstabilisation. Ce phénomène s’est amplifié depuis que les États-Unis sous Donald Trump soutiennent ouvertement les partis d’extrême droite européens, notamment l’AfD lors des récentes législatives en Allemagne et peut-être le RN lors de la prochaine présidentielle en France dans deux ans.