Evelyne Sire-Marin, ancienne magistrate et actuelle vice-présidente de la LDH, a exprimé son point de vue lors de son passage sur 42mag.fr lundi. Elle estime qu’il est inapproprié de déclarer que le principe de l’État de droit est bafoué simplement parce que les magistrats font leur travail en respectant la législation en vigueur.
L’idée de l’exécution provisoire « pose une difficulté concernant le droit d’appel, sur le principe même », a déclaré lundi soir 31 mars sur 42mag.fr Evelyne Sire-Marin, magistrate honoraire et vice-présidente de la LDH (Ligue des droits de l’homme), suite à la condamnation de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité, avec mise en œuvre immédiate, dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement National.
L’application immédiate de la peine est « essentielle dans certaines situations, notamment lorsqu’un membre du personnel éducatif est impliqué dans une agression sexuelle envers des enfants. Dans ce cas, même en cas d’appel, il est crucial de prévenir la récurrence en attendant la décision de la cour d’appel », précise Evelyne Sire-Marin. Toutefois, dans le contexte du procès impliquant le RN, elle exprime ses doutes.
Concernant les élus locaux, Evelyne Sire-Marin explique que « cela soulève également la question de l’inégalité de traitement par rapport aux élus nationaux », ces derniers étant « maintenus en fonction jusqu’à ce que le jugement soit définitif, contrairement aux élus locaux qui perdent immédiatement leur mandat ». Ainsi, elle pense que « le législateur ou le Conseil constitutionnel pourraient envisager que l’exécution provisoire et les peines automatiques ne soient pas systématiquement appliquées, mais plutôt dépendantes des cas spécifiques », précise-t-elle.
Une décision « pouvant prêter à débat »
Evelyne Sire-Marin est d’avis qu’« il est compréhensible que les juges considèrent qu’une sanction très stricte soit nécessaire », même si cette décision « peut être sujet à débat d’un point de vue juridique », soutient-elle, tout en soulignant que « la révision de cette question pourrait être envisagée par les législateurs et le Conseil constitutionnel », observant que « c’est à eux d’évaluer la justesse de la législation », mais que dans ce cas précis, « le jugement demeure conforme au droit et à la législation en vigueur ».
Mme Sire-Marin se déclare « surprise » face aux réactions, notant que « les lois sont promulguées par les responsables politiques et les juges ne font qu’exécuter leur application ». Répondant aux propos de Marine Le Pen lors du 20h de TF1, elle commente : « Affirmer que l’État de droit est bafoué car les juges appliquent la loi semble erroné », selon la magistrate honoraire.
« Le Rassemblement National nie toute infraction, tandis que les preuves sont pourtant accablantes »,
Evelyne Sire-Marin, magistrate honoraire et vice-présidente de la LDHsur 42mag.fr
Evelyne Sire-Marin souligne que dans cette affaire « ce n’est pas les juges qui ont pris l’initiative du dossier, mais le Parlement européen qui a déposé plainte en raison de 6,8 millions d’euros qui auraient été détournés, utilisés non pas pour rémunérer les assistants des députés européens du RN, mais pour financer le parti. C’est un détournement de fonds publics », clarifie-t-elle. La vice-présidente de la LDH développe : « Indépendamment de l’absence d’enrichissement personnel, même si les assistants parlementaires accomplissent effectivement un travail, si ce travail sert principalement le parti et non le Parlement européen, cela constitue un détournement des fonds publics », réitère-t-elle.
« Une loi universelle »
Face au souhait de Marine Le Pen d’accélérer le jugement en appel, Evelyne Sire-Marin précise que cela s’annonce complexe, car « les tribunaux et cours d’appel sont surchargés », et d’ajouter, « même si elle désire une résolution rapide, un délai d’environ deux ans et demi à trois ans est à prévoir », ce qui implique que « elle ne sera probablement pas jugée avant l’élection présidentielle de 2027 ». La magistrate rappelle : « La loi est universelle », précisant que « tous ceux qui attendent d’être jugés font face à la même attente, même si c’est regrettable, on ne peut pas accorder un traitement particulier à ce cas ».
Enfin, interrogée à propos des menaces proférées à l’encontre des magistrats ayant statué dans l’affaire des assistants parlementaires européens et condamné Marine Le Pen, des menaces dénoncées par le premier président de la cour d’appel de Paris, Evelyne Sire-Marin évoque des attaques « virulentes » contre les juges, ajoutant que de telles menaces « peuvent inciter à cibler certains magistrats ». Pour elle, « contester de cette manière l’autorité judiciaire, qui n’a pour but que d’appliquer la loi, est un acte potentiellement grave ».