Mardi, le Conseil supérieur de la magistrature à Paris reçoit en audience disciplinaire Chérif Chabbi, ancien procureur de la République à Castres. Ce dernier est sous le coup d’accusations portées par son ancienne secrétaire, qui l’accuse de l’avoir harcelée sexuellement.
Après Alexandre Rossi, procureur de Cahors, qui doit être jugé pour violences domestiques le 4 avril, c’est autour de Chérif Chabbi, ancien procureur de Castres, d’être accusé de harcèlement sexuel envers sa secrétaire et plusieurs greffières. Cette nouvelle secoue le milieu judiciaire de la région Occitanie.
L’ancien procureur, dont les faits incriminés remontent à l’époque où il exerçait dans le Tarn, doit comparaître le mardi 18 mars devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à Paris pour une audience disciplinaire. À la suite d’une enquête administrative et après l’intervention du garde des Sceaux, il est convoqué pour répondre de « son manquement aux devoirs de délicatesse et dignité ».
Agé de 53 ans, Chérif Chabbi s’était tourné vers cette carrière après une reconversion professionnelle et jouissait jusque-là d’appréciations favorables, saluant ses qualités humaines et son dévouement. Cependant, tout a basculé quand sa secrétaire, bouleversée par sa conduite, s’est confiée à une collègue durant l’été 2023. Son témoignage a rapidement atteint les supérieurs hiérarchiques.
Comportements déplacés et sollicitations insistantes
Lors de l’enquête administrative orchestrée par l’Inspection générale de la Justice, la secrétaire a expliqué avoir atteint un point de rupture, se sentant paralysée face à son supérieur hiérarchique et responsable du tribunal. Elle craignait ses changements d’humeur qui auraient pu détériorer ses conditions de travail, notamment ses horaires, si elle avait choisi de s’opposer fermement à lui. Le rapport mentionne un état d’« emprise ».
La secrétaire a décrit des commentaires de nature sexuelle. Par exemple, en mangeant un plat au gingembre, Chabbi aurait fait une remarque sur la « chance » que son mari aurait le soir. Il aurait également fait des allusions directes en demandant « Vous divorcez quand ? ». En plus, son comportement serait devenu de plus en plus tactile, comprenant des gestes comme des caresses sur la main, des regards insistants vers son décolleté, ou des mains dans ses cheveux quand elle était acculée contre une porte.
Les avances se sont poursuivies avec des SMS et des invitations répétées à dîner en tête-à-tête, malgré ses refus constants. Elle a aussi évoqué une invitation à le rejoindre chez lui pour nager, alors qu’il travaillait de chez lui et elle était au tribunal. Le rapport administratif a conclu que ses déclarations étaient « tout à fait crédibles ». Plusieurs personnels du tribunal ont confirmé avoir été témoins de ces propos ou comportements inappropriés envers son assistante. D’autres femmes, notamment des greffières, ont aussi signalé ses attitudes sexistes.
Les magistrats sont soumis à des obligations déontologiques, telles que maintenir « une conduite et des propos conformes à sa fonction » envers collègues et subalternes et se comporter avec respect et dignité envers les autres, incluant juges, avocats, témoins, et collaborateurs de l’institution judiciaire.
Aucune intention dissimulée
L’enquête sur Chérif Chabbi a également révélé qu’il était souvent absent et avait tendance à reporter ses responsabilités sur ses subordonnés déjà chargés de travail.
Chabbi a affirmé ne pas se souvenir de certains comportements qui lui sont reprochés, tout en minimisant d’autres accusations. Il a admis qu’il aurait dû garder une certaine distance, mais assure qu’à aucun moment il n’a formulé de remarques à caractère sexuel ou agi avec une intention cachée, se contentant seulement de vouloir « chouchouter les agents ».
Chérif Chabbi fait l’objet de mesures disciplinaires, bien qu’aucune procédure pénale ne soit engagée. Sa secrétaire n’a pas formellement déposé plainte. Après que les faits ont été portés à la lumière, il a demandé à être muté et il a repris son précédent poste au parquet de Rodez. Il risque une sanction qui peut aller d’un simple avertissement à une révocation définitive. Pour l’instant, il bénéficie de la présomption d’innocence.