Jeudi soir, sur le plateau de l’émission diffusée par France 2, Sébastien Lecornu, Dominique de Villepin, Jean-Luc Mélenchon, ainsi que Raphaël Glucksmann ont pris tour à tour la parole.
À la suite d’Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu dépeint également Moscou comme une « menace ». Le ministre des Armées a averti que « La Russie nous voit désormais comme un rival. Lentement, nous nous dirigeons vers une logique de confrontation », a-t-il déclaré au cours de l’émission spéciale « L’Événement » diffusée sur France 2, le jeudi 13 mars, consacrée à l’intensification des tensions mondiales. Aux côtés de Sébastien Lecornu, plusieurs personnalités comme Jean-Luc Mélenchon, l’ancien chef de gouvernement Dominique de Villepin et le député européen et coprésident du parti Place publique ont également partagé leurs opinions relatives au conflit en Ukraine, à la militarisation accrue de la France et de l’Europe, ainsi qu’aux actions de Vladimir Poutine et Donald Trump.
« Il ne faut pas prendre une accalmie pour une mauvaise tactique permettant à la Russie de rehausser ses capacités », prévient Sébastien Lecornu
« Tout geste vers un cessez-le-feu mérite d’être reconnu », a déclaré Sébastien Lecornu après que Vladimir Poutine ait exprimé son accord conditionnel pour un arrêt des hostilités.Cette pause de trente jours, proposée par les États-Unis et l’Ukraine, est vue par le ministre des Armées comme « un début de véritable négociation, mais il faudra faire preuve de patience. »
Toutefois, il avertit que « il serait dangereux de confondre une pause dans les combats, voire un mauvais accord de paix, avec une simple pause tactique qui offrirait l’opportunité à la Russie de regagner en capacités militaires ».
En effet, « les actions diplomatiques ne peuvent être distinguées des opérations sur le terrain. Actuellement, la Russie a pris l’ascendant militaire. Avec des gains territoriaux récents, il n’est pas dans l’intérêt de la Russie que cette trêve commence trop tôt ».
« Nous pouvons subir des défaites sans invasion directe, sans voir des chars à nos portes », exprime Sébastien Lecornu
Faisant écho aux propos du chef de l’État, Sébastien Lecornu évoque également « une menace conventionnelle provenant de la Russie ». Il poursuit, « ceux qui sous-estiment cette menace sont souvent les mêmes qui n’ont pas cru à une invasion de l’Ukraine par la Russie (…) Ce qui suppose que des nations comme la Moldavie, l’Estonie ou encore la Transnistrie pourraient être vulnérables. Même à l’annonce d’un cessez-le-feu, la machine de guerre russe continue de se renforcer, tant sur les plans conventionnel que nucléaire », a précisé le ministre des Armées.
« La Russie redéfinit une méthode de guerre qui laisse ce sentiment où nous ne sommes pas en conflit total, mais nous ne sommes plus dans un état de paix. Ces menaces sont subtiles, parfois moins visibles et plus discrètes. »
Sébastien Lecornu, ministre des Arméessur France 2
Également, Sébastien Lecornu admet : « La situation m’a souvent amené à dire que, dorénavant, nous pourrions subir des défaites sans être envahis, sans apercevoir des chars approcher. » Il mentionne à ce titre la « manipulation des flux migratoires allant de l’Afrique à la France », « la guerre énergétique », « les capacités en attaques informatiques », qui pourraient cibler « les hôpitaux », ou encore « les barrages hydroélectriques ». Il précise que, seulement cette semaine, « une dizaine de cyberattaques » ont eu lieu « contre des collectivités locales », qu’il considère comme un rappel que « La Russie nous considère désormais comme adversaire. Nous progressons graduellement vers une situation de confrontation ».
Une préparation des citoyens français face à ces menaces imminentes est-elle requise ? « Évidemment, en ce qui concerne les menaces hybrides, un effort civil important sera nécessaire », souligne Sébastien Lecornu.
« Je suis favorable à ce que la sécurité de l’Ukraine soit sous l’égide de l’ONU, étant donné ma foi en le droit international », déclare Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon interpelle le ministre des Armées, déplorant le manque de vision quant à une éventuelle entente pacifique future. « Moins on discute d’un cessez-le-feu [entre l’Ukraine et la Russie], plus on se pose de questions concernant l’attente française ou européenne vis-à-vis de cette paix éventuelle », a-t-il déclaré.
Pour l’ex-parlementaire européen, la réponse réside dans une intervention des Nations unies : « Oui, je crois que la garantie pour l’Ukraine doit provenir de l’ONU, car j’ai foi en le droit international. L’ONU possède une structure militaire qui pourrait exercer ses fonctions. Elle agit selon des mandats qu’elle reçoit. »
« Ce n’est pas naïf de penser que les Européens pourraient emprunter cette voie en dialoguant avec les Russes pour parvenir à des résultats diamétralement opposés à ceux actuellement escomptés », poursuit Jean-Luc Mélenchon. « Nous, Français, devons jouer un rôle prépondérant dans la reconstruction d’un ordre mondial ; c’est pour cela que je défends l’altermondialisme sur des objectifs partagés. »
« Actuellement, notre fragilité réside dans nos divisions internes », note Dominique de Villepin
Un trésor de Moscou immobilisé en Europe depuis février 2022. Comment traiter les 210 milliards d’euros d’actifs russes gelés ? Les États européens sont divisés à ce sujet. Comment procéder ? Dominique de Villepin suggère la confiscation des biens russes, à condition que cela ne génère pas « un coût supérieur à terme » pour les Européens.
Toutefois, « la réalité doit primer », prévient l’ex-Premier ministre : « Les propriétaires d’actifs observent comment ceux-ci sont gérés et pourraient réclamer une réciprocité. Cela retiendrait l’attention des fonds moyen-orientaux ou français placés aux États-Unis. Donald Trump pourrait prendre des mesures contre la France pour ses actions, résultant en une saisie des actifs français en sol américain ».
Dominique de Villepin s’adresse également à Emmanuel Macron : « Il est impératif qu’Emmanuel Macron restaure l’unité nationale. Notre faiblesse actuelle en Europe réside dans nos divisions internes. Nous avons un exécutif peinant à gérer les affaires courantes et une opposition dispersée. Il est urgent de reconstruire l’unité française. »
« Si vous êtes exclu des discussions, vous devenez le sujet », alerte Raphaël Glucksmann
« Chacun souhaite la paix, mais quelle est sa définition ? La paix implique-t-elle une soumission à un despote ? », questionne Raphaël Glucksmann. Le coprésident du groupement politique Place publique considère que « le véritable problème, c’est que les intentions de Vladimir Poutine dépassent les simples tractations territoriales. C’est une volonté de détruire l’Ukraine et de refondre le cadre de sécurité européen ».
« Pour une paix réelle et durable qui assure la tranquillité des Européens, éviter que cette paix ne se traduise par une reddition ukrainienne est indispensable », conseille le parlementaire européen. « Si vous ne participez pas aux négociations, vous êtes le repas. On n’est pas invité à une table comme à un mariage ; il faut faire ses preuves pour être pris au sérieux », réaffirme-t-il.
Sur le rôle de l’Europe, souvent absente lors des concentrations diplomatiques, Raphaël Glucksmann insiste : « On écoute sans cesse des discours déplorant notre prétendue faiblesse (…) simplement parce qu’un grand homme d’affaires s’autorise à négocier avec un criminel de guerre. »