Tous les lundis matin, un tribunal spécial se réunit dans cette juridiction. Les accusés présents doivent répondre de faits liés à des violences au sein de la famille. Cette session a deux buts principaux : raccourcir la durée des procédures et approfondir la compréhension de ces dossiers.
Développement de pôles spécialisés pour les violences familiales
Depuis le début de l’année 2024, des pôles spécialisés ont vu le jour, dotés de magistrats formés spécifiquement pour traiter les affaires de violences familiales. Cependant, certaines juridictions n’ont pas hésité à aller plus loin. À Orléans, par exemple, où les violences conjugales ont grimpé de 10 % chaque année depuis cinq ans, des audiences entièrement dédiées à ces affaires ont été instaurées dès 2025. À travers la France, si ces audiences spécialisées commencent à se déployer, Orléans est l’une des rares villes où elles se tiennent systématiquement chaque lundi matin à 9 heures.
Une salle d’audience pas comme les autres
À première vue, la salle semble ordinaire : un procureur, des magistrats, des avocats. Mais une particularité demeure : tous ceux qui passent ici sont jugés pour des violences au sein de la famille, que ce soit sur des enfants ou des conjoints. Parmi eux, l’ancien partenaire de Cécilia, qu’elle accuse de violences répétées. « J’attendais ce procès avec impatience, de façon assez étrange, parce que l’attente est insupportable », confie-t-elle. Malheureusement, elle devra attendre encore un mois, car son affaire a été reportée. Ce délai d’un mois est néanmoins rendu possible grâce à ce nouveau système.
Selon Cécilia, son avocate lui a expliqué qu’elles avaient eu de la chance de ne devoir attendre que jusqu’en avril, alors qu’habituellement, cela peut prendre au moins un an. Le parquet d’Orléans s’est donné pour mission de traiter six affaires par session spécialisée, avec l’intention de réduire les délais de traitement. L’ex-conjoint de Mélanie fut condamné à une peine de huit mois de prison avec sursis pour harcèlement et menaces de mort, lors d’une audience spécialement dédiée.
Mélanie, dont l’ex-partenaire vient d’être condamné, s’estime soulagée de voir enfin la justice se pencher sur son cas. Elle a attendu cette audience pendant un an, le temps écoulé depuis sa dernière plainte en février 2024. « C’est interminable lorsqu’on ignore ce qui se passe dans la tête de l’autre. Vivre au quotidien en étant harcelée, suivie, et menacée devient insupportable. On a peur de sortir, et on se demande si on reviendra indemne le soir », témoigne-t-elle.
Pendant ce temps, l’ex-partenaire de Mélanie manifeste de l’agacement en attendant que l’audience commence. « Les affaires sont maintenant traitées avec beaucoup plus de rapidité », reconnaît Catherine Valsadia, son avocate. Toutefois, elle estime que regrouper des prévenus aux histoires pourtant distinctes n’est pas idéal. « Bien que les récits diffèrent, cela peut avoir un impact sur le prévenu. Être confronté à une succession de cas similaires peut donner l’impression d’être simplement étiqueté comme l’’homme violent’, sans que les singularités de chaque cas soient prises en compte », explique-t-elle.
Un accompagnement canin pour les victimes
Au cours de ces audiences, les victimes peuvent bénéficier d’un soutien unique : celui de Suki, un golden retriever, et de Violette Humbert, sa maîtresse, qui travaille pour l’association France Victimes 45. « Le but est surtout de fournir un réconfort moral. Nous n’intervenons pas directement, mais Suki aide à créer une barrière entre la victime et l’accusé, ce qui est crucial pour éviter un contact visuel intimidant », précise Violette Humbert. Lors des infractions, Suki accompagne les victimes même à la barre.
Les magistrats et procureurs présents dans la salle font tous partie de la section violences intrafamiliales créée en début 2024 dans chaque cour de justice. Selon Clémence Lemarchand, avocate de Cécilia et Mélanie, cette spécialisation facilite grandement le déroulement des audiences.
D’après Clémence Lemarchand, « Avoir un procureur spécialisé permet une meilleure compréhension des aspects psychologiques et médicaux des violences conjugales. Cela offre une expertise et un degré de spécialisation précieux au parquet. »
Il est clair que l’ensemble des affaires de violences conjugales ne peut encore être jugé par ces nouveaux pôles spécialisés. Faute de ressources suffisantes, certaines devront continuer leur parcours par le biais d’audiences correctionnelles classiques, souvent plus longues. Dans ce tribunal, où un dossier sur trois concerne des violences intrafamiliales, la procureure Emmanuelle Bochenel-Puren est déterminée à aller plus loin. « Notre ambition ultime serait que tous les cas soient traités par ce biais, mais nous n’en sommes pas encore là. Toutefois, c’est une avancée significative pour nous », déclare-t-elle avec espoir.
Le ministère de la Justice, quant à lui, œuvre pour accélérer le développement de ces sessions spécialisées à travers le pays.