Marine Le Pen a été condamnée, et cela fait beaucoup parler cette semaine. Ce n’est pas près de s’arrêter, car des manifestations ainsi que des contre-manifestations sont annoncées pour le dimanche 6 avril dans la capitale française. Selon Jean Viard, la méfiance envers le système judiciaire « n’a jamais été aussi grande, elle est mondiale ».
Réactions à la condamnation de Marine Le Pen pour usage abusif de fonds publics
La récente condamnation de Marine Le Pen pour usage abusif de fonds publics a provoqué de vives réactions. Elles sont centrées non pas tant sur l’intégrité en politique, mais davantage sur la possibilité de remettre en question une décision juridique. Le Rassemblement national a adopté un ton particulièrement sévère à l’égard des juges et de l’application de la loi. Lors d’un Conseil des ministres le mercredi 2 avril 2025, Emmanuel Macron a souligné l’autonomie de l’autorité judiciaire.
42mag.fr : Cette méfiance envers la justice est-elle inédite ?
Jean Viard : La défiance est actuellement plus prononcée qu’elle ne l’a été auparavant et s’observe à l’échelle globale. Le problème réside dans la résonance que cela prend. En réalité, il existe un mouvement illibéral mondial dont l’objectif est de renforcer le rôle politique, souvent personnifié par un leader fort, tout en cherchant à affaiblir le pouvoir judiciaire. C’est cette dynamique qui donne autant d’ampleur à la réaction actuelle. Par ailleurs, observons la réaction du public vis-à-vis de cette décision : les partisans de madame Le Pen sont très contrariés, tandis que ceux qui ne la soutiennent pas trouvent cette condamnation tout à fait normale. C’est à peu près ainsi que se fait la division des opinions.
Y a-t-il donc un réel impact ?
Pour le moment, l’impact immédiat semble limité. Cela renforce toutefois l’adhésion de l’électorat d’extrême droite, et les événements de dimanche montreront s’il y a un changement notable. Par ailleurs, de nombreux responsables ont déjà été condamnés par le passé : pensez à Alain Juppé, ainsi qu’à Jacques Chirac, et n’oublions pas que Nicolas Sarkozy a également été condamné. Ces affaires judiciaires ternissent l’image du monde politique, mais il est crucial de rester ferme concernant le respect des lois. Bien entendu, il existe des juges aux convictions politiques variées, mais dans la majorité des cas, les décisions sont prises sur une base légale, non partisane. C’est d’ailleurs pour cela que le système d’appel existe.
Est-ce qu’il y a une dimension complotiste à la perception des personnes condamnées comme des victimes d’un système ?
Effectivement, cet argumentaire est historiquement associé à l’extrême droite, qui entérine souvent l’idée de systèmes cachés. Ce discours est potentiellement très dangereux, car il met à mal le pilier fondamental de nos sociétés modernes : l’équilibre entre droit et politique. L’essence de la modernité réside dans cet équilibre entre les autorités judiciaires, politiques et économiques. Bien que nous soyons actuellement dans une ère marquée par le renouveau illibéral, et après l’effondrement du socialisme contrebalancé par des régimes libéraux, nous assistons désormais à la nécessité d’une réorganisation culturelle de l’économie capitaliste.
Comment restaurer cet équilibre dans notre société ?
Il est essentiel de contenir l’ascension des mouvements illibéraux. Je pense que des figures comme Donald Trump, qui incarnent de plus en plus cette tendance illibérale, vont finir par la démoder. Cependant, le défi pour le monde libéral est de reformuler un projet alternatif qui rassemble diverses idéologies, telles que celles des gaullistes, démocrates chrétiens, écologistes, et socialistes. Le succès réside soit dans le développement d’une idée unifiée qui réunit autour de thématiques comme la lutte contre le changement climatique et un futur bâti sur des valeurs partagées, soit ce sont les idées illibérales qui l’emporteront.