La dirigeante du parti d’extrême droite, reconnue coupable en première instance pour avoir détourné des deniers publics dans le cadre du dossier des assistants parlementaires des eurodéputés FN, a déjà commencé à riposter sur le plan légal.
La bataille judiciaire de Marine Le Pen vient-elle à peine de commencer ? Dans une interview accordée au Parisien mardi 1er avril, Marine Le Pen a annoncé avoir interjeté appel suite à sa condamnation pour détournement de fonds publics. Cette sanction, prononcée la veille par le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du Front national, a remis en question l’avenir politique de la cheffe du Rassemblement national. Le tribunal lui a infligé une peine de quatre ans de prison, dont deux fermes mais aménageables, ainsi qu’une amende de 100 000 euros. De plus, une interdiction d’exercer toute fonction élective pendant cinq ans prend effet dès maintenant, menaçant ainsi ses ambitions pour l’élection présidentielle de 2027.
En plus de faire appel du jugement, Marine Le Pen a déclaré vouloir s’adresser tant au Conseil constitutionnel qu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Franceinfo propose une revue des recours disponibles pour la parlementaire.
Contester le verdict initiale en cour d’appel
Mardi, il a été confirmé par la cour d’appel de Paris que « trois appels » ont été enregistrés à la suite des condamnations de Marine Le Pen et de 24 autres individus impliqués dans cette affaire des assistants parlementaires du FN. Cet organe judiciaire a indiqué qu’il « évaluera ce dossier dans un calendrier qui devrait permettre de rendre un verdict d’ici l’été 2026 », à moins d’un an des prochaines élections présidentielles. D’après les données du ministère de la Justice, le délai habituel pour le traitement en appel excède généralement une année. « C’est une nouvelle que j’accueille positivement, car elle met en lumière les interrogations soulevées par le jugement », a-t-elle précisé dans sa déclaration au Parisien.
Faire appel suspend momentanément les condamnations, ce qui signifie que Marine Le Pen reste présumée innocente jusqu’à ce qu’un jugement en appel intervienne. Cela s’applique à la peine d’emprisonnement et à l’amende, mais la sanction d’inéligibilité, dès lors exécutable immédiatement, interdit toute candidature à une élection durant cet intervalle de temps.
Trois résultats sont envisageables lors de l’appel : la confirmation de la décision initiale, une réduction de la sanction infligée à Marine Le Pen, ou son acquittement. Selon Romain Rambaud, enseignant en droit public à l’Université Grenoble-Alpes, « la peine ne peut être alourdie que si le parquet fait appel, et rien de tel n’a encore été indiqué ». Un procès rapide en appel et un jugement en faveur de Marine Le Pen, notamment s’il lève l’inéligibilité, pourraient lui ouvrir la voie pour participer à l’élection de 2027.
Faire appel en cassation si l’appel échoue
Dans le cas où la cour d’appel maintiendrait le verdict et les sanctions initiales, Marine Le Pen a la possibilité de se pourvoir devant la Cour de cassation, la plus haute juridiction judiciaire de France. Selon Christophe Soulard, président de cette instance, « l’examen moyen des pourvois en matière pénale est généralement rapide, moins d’un an ».
« En règle générale, le délai d’un pourvoi est de six mois, de sorte que l’affaire peut progresser assez rapidement. »
Christophe Soulard, président de la Cour de cassationà 42mag.fr
Marine Le Pen n’a pas encore précisé ses intentions relatives à un éventuel recours en cassation si le jugement d’appel venait à confirmer le tribunal correctionnel. Comme le prédit François Gilbert, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, « tous les recours envisageables seront potentiellement mis en œuvre ».
Néanmoins, si la cour d’appel prononce l’inéligibilité sans exécution immédiate et que la députée opte pour un pourvoi en cassation, elle ne pourrait se présenter aux élections, insiste François Gilbert. « Un arrêt de 1993 de la Cour de cassation stipule que même sans exécution immédiate lors de l’appel, le pourvoi en cassation relancerait l’exécution du jugement initial ». Toutefois, il tempère : « Cette jurisprudence, bien qu’ancienne, suscite actuellement des débats et son application n’a pas été confirmée de nouveau ».
Recourir à la Cour européenne des droits de l’homme
Marine Le Pen a déjà signifié son intention de se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en référé. « Je compte faire un recours en référé, envisageable quand une décision cause un tort irréparable. Ce recours est en cours de finalisation », a-t-elle expliqué. Selon le site Vie publique, pour être examinée par la CEDH, « toutes les voies de recours locales doivent être épuisées, la Cour jouant un rôle secondaire ».
Le Défenseur des droits rappelle que la CEDH n’intervient qu’en toute dernière étape. À ce stade, il semble que les critères ne soient pas remplis pour qu’elle accepte un tel recours. « Toutefois, il y a exception si le recours local n’est pas efficace », note François Gilbert. Concernant l’exécution provisoire de l’inéligibilité de Marine Le Pen, « l’appel n’étant pas suspensif, pourrait être jugé ineffectif », précise-t-il.
Il est à noter qu’alors qu’une procédure civile peut demander la suspension d’une exécution immédiate en cas d’appel, cela n’existe pas en pénal. « Ceci pourrait être perçu comme un manque en termes de recours », observe François Gilbert, bien que la CEDH applique ces principes « de manière très stricte, rendant une résolution en ce sens improbable ».
Saisir le Conseil constitutionnel par une question prioritaire de constitutionnalité
Marine Le Pen prévoit également de solliciter le Conseil constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ce mécanisme permet à toute personne de « contester la validité d’une loi si elle juge celle-ci en opposition avec les droits et libertés garantis par la Constitution », explique le site du service public. Cette démarche peut être initiée lors d’un premier procès ou en appel. « Si les conditions sont réunies, le Conseil constitutionnel analysera la loi et déterminera si elle doit cesser d’être appliquée ».
La députée Rassemblement national souhaite que l’institution examine « l’incompatibilité entre une inéligibilité exécutée immédiatement et la liberté des électeurs inscrite dans la Constitution ». « Nous devons maintenant faire valider la QPC que nous préparons, de sorte qu’elle soit transmise au Conseil constitutionnel », a-t-elle déclaré.