Marine Le Pen a été frappée par une peine de cinq ans d’inéligibilité suite à une affaire de détournement de fonds publics, cette sanction étant appliquée provisoirement. Cette décision a suscité la fureur de la présidente du Rassemblement National, qui entretient l’ambition de concourir à l’élection présidentielle de 2027. Elle reproche aux magistrats d’avoir rendu un verdict dicté par des considérations politiques. Mais une telle décision est-elle inhabituelle ?
Marine Le Pen a-t-elle fait l’objet d’une décision extrêmement rare ? Les discussions autour de cette question se multiplient depuis que les juges ont prononcé à son encontre une peine de cinq ans d’inéligibilité, due à un détournement de plus de quatre millions d’euros de fonds publics européens, rendant ainsi impossible sa candidature à l’élection présidentielle de 2027. Voyons si cela est vrai ou faux.
En 2023, plus de 630 décisions d’inéligibilité appliquées sans attendre
Il est vrai qu’en proportion, l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité est rare. Les données récentes du ministère de la Justice, transmises à 42mag.fr, indiquent qu’en 2023, 16 364 mesures d’inéligibilité ont été décidées, montrant une nette augmentation par rapport à l’année précédente. Parmi celles-ci, seulement 4% ont été appliquées immédiatement.
Toutefois, cela concerne tout de même 639 personnes qui, en 2023, ont partagé la situation de Marine Le Pen — hors ambitions présidentielles. Elles étaient plus de 300 en 2022, presque 200 en 2021, et moins d’une centaine chaque année auparavant.
Le tribunal correctionnel a justifié la condamnation de Marine Le Pen en soulignant le besoin de prévenir tout risque de récidive et de désordre public.
Pas de taux global clair pour les exécutions provisoires en France
Olivia Grégoire, députée de Ensemble pour la République, estime que la condamnation de Marine Le Pen reflète des décisions généralement prises par les juges. Sur BFM TV, le 1er avril, elle a déclaré que « en 2021, 48% des peines faisaient l’objet d’une exécution provisoire » et a insisté qu’il ne devait « continuer d’y avoir aucune exception pour les politiques, y compris Marine Le Pen, qui est une personnalité politique ».
Néanmoins, au contraire de ce que pourrait croire l’intervention d’Olivia Grégoire, il n’existe pas d’évaluation générale du taux d’exécution provisoire de l’ensemble des décisions de justice. Le pourcentage qu’elle a mentionné ne concerne en fait que les peines de prison prononcées par des tribunaux correctionnels, traitant des délits plutôt que des crimes.
La fréquence des exécutions provisoires dans divers secteurs
Les rapports annuels du ministère de la Justice montrent en effet qu’en 2021, 48% des peines de réclusion infligées par les tribunaux ont été « appliquées immédiatement » après le verdict. Ce chiffre est monté à 58% en 2023, selon les informations fournies dans le rapport le plus récent.
Cela s’explique par divers facteurs, notamment lorsque le condamné est incarcéré sur-le-champ ou a purgé sa peine avant le jugement lors d’une détention préalable, car en France, les individus peuvent être maintenus en détention provisoire avant même leur procès ou condamnation.
En parallèle, Marine Le Pen a été condamnée à quatre ans d’emprisonnement dont deux fermes, bien que cette partie de la peine ne soit pas mise en œuvre immédiatement, à la différence de son inéligibilité.
L’exécution provisoire existe également en matière civile. L’Inspection générale de la justice a essayé de l’évaluer dans un rapport, bien qu’il soit difficile de rassembler des données exhaustives en la matière. Ce rapport précise lui-même que ses données sont partielles et doivent être prises avec précaution. Néanmoins, d’après ce rapport, en 2018, 20% des décisions des tribunaux concernant la justice civile, en particulier les affaires familiales, ont été exécutées immédiatement. La même année, cela a aussi concerné 40% des décisions rendues par les conseils de prud’hommes.
En conclusion, le recours à l’exécution provisoire n’est pas inhabituel et s’inscrit dans la pratique courante de l’appareil judiciaire français.