Marine Le Pen a écopé d’une peine de quatre ans de prison ainsi que d’une interdiction de cinq ans de se présenter à toute élection, en relation avec l’affaire des assistants parlementaires du Front National au Parlement européen. Cette situation l’empêche, pour le moment, de participer à la course présidentielle de 2027. Cependant, elle est protégée par une immunité parlementaire. Cela ne semble-t-il pas paradoxal ?
La question se pose concernant la protection de Marine Le Pen par son immunité parlementaire face à une condamnation pour détournement de fonds publics au sein du Parlement européen, touchant le Front national. Ce débat a été évoqué lors d’un rassemblement de soutien organisé le dimanche 6 avril à Paris. L’événement visait à protester contre la sanction de quatre ans de prison et cinq ans d’inéligibilité infligée à Le Pen pour avoir détourné plus de quatre millions d’euros. Marine Le Pen a choisi de faire appel de cette décision.
Dans une interview accordée à BFM TV, un sympathisant du Rassemblement national, prénommé Yves, a exprimé son opinion selon laquelle « en tant que députée, elle devrait bénéficier d’une protection, bien que le système judiciaire semble chercher à la restreindre ». L’argument de l’immunité parlementaire a également été soulevé par la défense de Marine Le Pen lors du procès en première instance.
Une protection sous certaines conditions
En réalité, sa condamnation ne s’oppose pas directement à son immunité parlementaire. D’ailleurs, il est important de préciser que l’immunité d’un parlementaire peut parfois être levée par l’institution à laquelle il appartient, mais cela n’a pas été le cas pour Marine Le Pen dans cette affaire.
L’immunité parlementaire, telle que garantie par l’article 26 de la Constitution, offre deux formes de protection. Premièrement, les parlementaires jouissent d’une inviolabilité, leur mandat ne pouvant être interrompu par des mesures de détention telles qu’une garde à vue ou une arrestation sans l’accord du bureau de l’Assemblée. C’est ce statut qui avait initialement permis à Marine Le Pen de ne pas répondre aux convocations des juges d’instruction en 2017, car ceux-ci ne pouvaient ni ordonner son arrestation, ni la placer en garde à vue à cause de cette inviolabilité. Malgré leur demande de levée de son immunité au Parlement, ils n’ont pas obtenu de réponse immédiate. Après plusieurs mois et deux refus, Le Pen a finalement consenti à rencontrer les juges.
Deuxièmement, il y a le concept d’irresponsabilité, qui signifie qu’un député ne peut pas être tenu responsable des actes accomplis dans le cadre de ses fonctions parlementaires. Cela concerne uniquement ses actions en tant que député, comme voter des lois ou exprimer son opinion. Cependant, cela n’empêche pas la justice de poursuivre ou de condamner un élu pour des actes délictueux ou criminels. Et c’est cette précision que les juges ont soulignée dans leur décision lors de la condamnation de Marine Le Pen.
Aucune immunité totale ou absolue
Selon les juges, « les infractions de détournement de fonds publics qui sont reprochées sont, par définition, des actes qui ne relèvent pas du mandat de députée européenne. Affirmer le contraire reviendrait à admettre dès le départ que diriger une allocation parlementaire européenne vers son parti politique constitue une part intégrante du mandat. »
En clair, les juges ont conclu que l’immunité parlementaire de Marine Le Pen ne s’appliquait pas en l’occurrence, le détournement de fonds publics ne faisant pas partie des activités normales d’un député. Ils ont fondé leur jugement sur plusieurs décisions antérieures, dont celle de la Cour de cassation concernant l’affaire Fillon, qui, en avril 2024, a précisé que « le principe de séparation des pouvoirs n’empêche pas un juge judiciaire de se prononcer sur des accusations de détournement de fonds publics, une infraction touchant à la probité, qui ne relève pas de l’irresponsabilité prévue par l’article 26 de la Constitution, et d’évaluer la concrétisation d’un contrat privé entre un parlementaire et un de ses collaborateurs ».
Ils ont également cité la Cour européenne des droits de l’homme, qui rappelle que « les immunités parlementaires ont pour objectif de garantir la liberté d’expression des représentants du peuple et d’empêcher que des poursuites partisanes ne compromettent leur fonction parlementaire ». Cependant, cette immunité « n’exonère pas les parlementaires de respecter les principes démocratiques » et qu’« aucune disposition constitutionnelle ou conventionnelle n’accorde aux parlementaires une impunité générale et totale ». Ainsi, ces derniers doivent « adopter une conduite exemplaire en matière de probité et d’intégrité ».