Le procès de Marine Le Pen a temporairement conduit à son inéligibilité pour les élections de 2027. Parallèlement, certains magistrats ont reçu des menaces. Christophe Soulard a tiré la sonnette d’alarme sur cette tendance croissante, tout en soulignant que ces intimidations ne sont pas directement liées à la durée prise par le tribunal dans sa décision.
“La justice n’a pas réagi sous l’effet de la pression, mais en tenant compte d’un contexte qu’elle maîtrise”, déclare Christophe Soulard, le président de la Cour de cassation, lors d’une interview sur 42mag.fr le mercredi 2 avril. Il réagit ainsi au délai fixé par la cour d’appel de Paris dans le cadre de l’appel de Marine Le Pen concernant sa condamnation à deux ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité, avec mise en vigueur immédiate. La cour d’appel de Paris a décidé qu’un nouveau procès aurait lieu avec « une décision au cours de l’été 2026 », c’est-à-dire avant l’élection présidentielle de 2027, comme certains responsables politiques l’ont suggéré.
“Cela reste une décision de justice, même si elle a, inévitablement, des conséquences politiques”, explique Christophe Soulard, qui ne perçoit “aucune incohérence” entre l’autonomie de la justice et la considération d’une échéance politique. Il souligne que “la justice n’est pas isolée du monde extérieur et aucune pression n’a influencé cette décision”. Certains observateurs alertent cependant sur le risque d’ingérence de la part du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, qui avait exprimé, peu avant l’annonce de la cour d’appel de Paris, le souhait que l’audience soit organisée “dans le délai le plus raisonnable possible”.
“Il est évident que la Cour d’appel n’a pas pu planifier une audience et rendre une décision avant l’été en l’espace de quelques minutes.”
Christophe Soulard, président de la Cour de cassationsur 42mag.fr
Néanmoins, la pression exercée sur les magistrats est palpable, car ils “subissent actuellement des attaques virulentes (…), ce phénomène s’accroît et c’est très préoccupant”, avertit Christophe Soulard. Mardi dernier, le parquet de Paris a annoncé le lancement d’une enquête concernant les “propos inappropriés dirigés contre les magistrats ayant pris la décision collégiale dans l’affaire de détournement de fonds publics préjudiciables au Parlement européen”, affaire pour laquelle Marine Le Pen a été condamnée.
“C’est extrêmement préoccupant”
Christophe Soulard souligne que la présidente “du collège de juges” dans l’affaire de Marine Le Pen a été menacée. Mais “beaucoup d’autres collègues sont également concernés”, tels que “des juges d’instruction menacés dans leur bureau par des personnes mises en examen, des juges des libertés et de la détention, ainsi que des juges civils, notamment ceux en charge des affaires familiales et des mineurs”, liste-t-il.
Il constate que “c’est une tendance en expansion”, impliquant des menaces “tant à l’intérieur du palais de justice qu’à l’extérieur, notamment sur les réseaux sociaux, où circulent des noms, des photos, et parfois des adresses, ce qui est extrêmement préoccupant”. Il rappelle que manifester ou signer une pétition en soutien à Marine Le Pen est légal, mais que les “menaces, ainsi que les propos verbaux pouvant dégénérer en agressions physiques, ne le sont pas”.