Cette réclamation vise Catherine Vautrin, qui occupe le poste de ministre en charge du Travail, de la Santé et des Solidarités, ainsi que Yannick Neuder, responsable de la Santé et de l’accès aux soins. Élisabeth Borne est également mentionnée, puisqu’elle est ministre de l’Éducation nationale, en plus de gérer l’Enseignement supérieur et la Recherche.
Un recours en justice visant trois membres du gouvernement a été introduit jeudi dernier à la Cour de justice de la République, selon des informations exclusives rapportées par France Inter et le journal Le Monde le lundi 14 avril. Les plaignants dénoncent le harcèlement qu’ils subissent dans le milieu hospitalier pour certains, tandis que d’autres évoquent le suicide d’un proche travaillant dans ce secteur. Un ensemble de vingt plaignants s’est formé pour adresser cette plainte à la Cour de justice de la République, la seule juridiction compétente pour juger les ministres pour des actes commis dans le cadre de leurs fonctions officielles.
La plainte, qui porte sur des accusations de « harcèlement moral, violences menant à la mort, homicide par négligence et mise en danger de la vie d’autrui », a été déposée le jeudi 10 avril. Elle cible Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Yannick Neuder, ministre de la Santé et de l’accès aux soins, ainsi qu’Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui supervise aussi l’enseignement en médecine et détient une autorité disciplinaire sur les professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH).
Cas répétés de suicides
Les cas rassemblés dans la plainte proviennent d’infirmiers, de responsables hospitaliers et même de la très estimée catégorie des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH). Plusieurs cas de suicide, qui sont à l’origine de certains de ces dossiers, concernent notamment une infirmière du centre hospitalier de Béziers qui s’est suicidée en juin 2024, laissant derrière elle une lettre, comme l’indique son époux, Sam. « Elle a réalisé cet acte pour protéger ses collègues infirmières, témoigne-t-il. Elle était victime de plannings déséquilibrés et d’une surcharge de travail. » De plus, Sam rapporte que son épouse « se sentait harcelée par son supérieur hiérarchique. » Trois mois plus tard, dans le même hôpital, un brancardier s’est également donné la mort. Un autre exemple concerne un responsable des urgences du groupement hospitalier de territoires (GHT) des Yvelines Nord, décédé en septembre 2023, ainsi qu’un infirmier du travail de l’Epsan, l’établissement public de santé Alsace nord de Brumath dans le Bas-Rhin, qui s’est pendu en janvier 2023.
« Exploitation du dévouement des employés par l’État »
Christelle Mazza, l’avocate qui soutient cette action légale, critique vivement les répercussions du management hospitalier. Elle met en avant une forme de harcèlement moral généralisé en s’appuyant sur trois constats. « Premièrement, il y a l’organisation d’un désordre institutionnel, marqué par un perpétuel changement ministériel et des réformes incessantes du système hospitalier, explique-t-elle. Ce chaos rend les agents incapables de discerner à quels responsables ils doivent rendre compte, floutant ainsi leur responsabilité. De plus, la fameuse doctrine des restrictions budgétaires nous oblige à faire davantage avec des moyens réduits, ajoute Christelle Mazza. Enfin, la pression sur le personnel est évidente, annihilant toute forme de contestation. Le système tient grâce à leur dévouement, à un respect inébranlable des patients et des principes du serment d’Hippocrate. Cependant, là où l’État faillit gravement, c’est en tirant parti de ce dévouement pour exploiter et réduire les employés à une simple ressource opérationnelle, conclut l’avocate.
Pour être examinée, la plainte doit d’abord traverser un premier filtre au sein de la Cour de justice de la République, soit l’analyse de la commission des requêtes. Cette dernière doit se pencher sur le dossier le 19 juin prochain pour décider s’il mérite une instruction approfondie ou si l’affaire sera classée. La décision de cette commission devrait être rendue à l’automne.