Bien que la candidate naturelle du parti d’extrême droite ait été frappée d’une condamnation à une inéligibilité de cinq ans applicable immédiatement, cette formation politique refuse pour le moment de discuter d’une alternative. Les dirigeants du RN préfèrent tout mettre en œuvre pour gagner en appel.
« Ce n’est pas notre vision »
L’affirmation est claire selon Julien Odoul, député de l’Yonne, récemment condamné à une interdiction d’un an d’être élu, sans mise en œuvre immédiate, pour l’affaire des assistants parlementaires du Front National. La même réponse sort de la bouche des responsables du Rassemblement National (RN) : pas de « plan B », Bardella n’est pas dans les discussions. Après que Marine Le Pen a été condamnée à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics, empêchant sa candidature à la présidentielle pour le moment, l’attention s’est tournée vers Jordan Bardella, le jeune président du RN largement médiatisé.
La relève de Marine Le Pen, un sujet sensible
Peut-on imaginer Jordan Bardella prendre la place de Marine Le Pen, deux fois finaliste à la présidentielle ? « Il n’y a pas de plan B tant que le plan A n’est pas achevé », a insisté Bardella lors d’un passage jeudi soir sur LCI. « Nous n’en sommes pas là. On continue avec Marine Le Pen », renchérit son entourage. Le RN fonde ses espoirs sur le procès en appel prévu en 2026 pour réhabiliter Marine Le Pen. On envisage aussi une voie législative via une proposition de loi de l’allié Eric Ciotti, visant à supprimer l’exécution provisoire.
Soutien public et mobilisation
En attendant le verdict en appel, les alliés de Marine Le Pen montent la pression en mobilisant l’opinion publique contre ce qu’ils décrivent comme « une décision politique ». Distribution de tracts, pétition en ligne, campagnes sur les panneaux d’affichage… Le RN adopte une stratégie offensive culminant avec un « grand rassemblement de soutien » à Marine Le Pen prévu le 6 avril à Paris, où Jordan Bardella sera présent.
« Une alliance solidaire »
À l’annonce de la condamnation de Le Pen, Bardella a fait une erreur en déclarant sur X que cette décision empêchait Le Pen d’être candidate en 2027, ignorant les procédures d’appel possibles. Dès le lendemain, il a corrigé ses propos, affirmant sur Europe 1 et CNews que cette décision renforce leur lien. Bardella s’efforce depuis de montrer son appui loyal à Marine Le Pen, à qui il doit sa promesse de Matignon en cas de victoire en 2027.
Incertitudes sur l’avenir politique
Le ticket pourrait-il s’inverser si Marine Le Pen est empêchée ? « En écoutant Bardella, on comprend que ce binôme est une certitude pour la présidentielle. On ignorera l’ordre jusqu’à l’échéance électorale », estime un proche de Ciotti. Bardella a souligné sur LCI la nécessité de se préparer aux responsabilités futures, indiquant qu’ils doivent envisager toutes les éventualités.
Au sein du RN, on ne discute pas d’autres scénarios que celui de Le Pen en tête. Un duo Le Pen-Bardella, dans cet ordre, reste l’objectif non négociable.
« Nos priorités sont claires »
Un proche de Marine Le Pen, lors d’un entretien avec 42mag.fr, a déclaré : « Personne ne décide à notre place qui sera notre candidat. Le jour de la condamnation finale, nous aviserons. » Avec détermination, il affirme : « Nous restons avec Marine Le Pen. Ceux qui pensent la remplacer se trompent. Qu’elle soit éligible ou non, elle ne quittera pas la scène politique. Les Le Pen luttent tant qu’ils en ont la force. » La leader du groupe RN à l’Assemblée qualifie Bardella de « formidable atout », tout en espérant ne pas avoir à utiliser cet atout prématurément.
Critiques internes
Certains membres du RN doutent de la capacité de Bardella à remporter l’élection de 2027. « Marine Le Pen est plus rassembleuse. Bardella est destiné à diriger la majorité », affirme un stratège du RN. « Il n’a pas l’étoffe nécessaire, aucune colonne vertébrale politique, et il ne gagnera pas. Il n’a pas le charisme d’une star du rock », critique un communicant du parti.
Malgré son succès aux élections européennes de 2024, Bardella a déçu aux législatives anticipées, confronté aux candidatures mal préparées et aux opinions racistes et xénophobes de certains candidats. « Des erreurs ont été faites, et j’en ai commis », avait-il reconnu.
Réactions des adversaires
L’éventuelle élimination de Le Pen pour 2027 réjouit certains opposants. « Une excellente nouvelle », jubile un député présidentiel, ajoutant que Bardella est moins préparé et fera un candidat moins désirable.
Toutefois, d’autres voient en Bardella un candidat non négligeable. Naima Moutchou, vice-présidente de l’Assemblée nationale, prédit qu’il travaillera ses arguments au-delà de son charisme naturel, ce qui pourrait compenser ses lacunes perçues.
Positions au sein du RN
Étonnamment, les projections de votes pour Bardella et Le Pen sont similaires. Selon des sondages, Le Pen obtiendrait 34 à 37% tandis que Bardella recueillerait 35 à 36% des voix.
Bardella et Le Pen sont interchangeables selon les observateurs du RN. Pour Nathalie Loiseau et d’autres, le choix du candidat importe peu ; l’idéologie RN prime. « Leurs idées sont constantes donc le candidat est insignifiant face à l’impact du mouvement », déclarent divers opposants.
Enjeux internes pour le RN
Dans l’ombre de Marine Le Pen, certains membres du RN misent sur l’irrésistible montée de leurs idées, prédisant que « Marine ou pas, rien ne changera. Le mouvement vers le peuple est indéniable », pense un stratège.
Cependant, pour maintenir l’unité, il faudra éviter des divisions internes, rappelle Philippe Moreau-Chevrolet, rappelant le précédent de Mégret vs Le Pen en 1999. À nouveau, la mémoire de tels conflits reste vive au sein du parti.