La dirigeante du Rassemblement national pourrait être empêchée de se présenter pour la quatrième fois à l’élection présidentielle de 2027, en raison de la condamnation à l’inéligibilité annoncée lundi dans le cadre de l’affaire concernant les assistants parlementaires européens du Front national.
Au lendemain du verdict concernant Marine Le Pen, condamnée à quatre ans de prison dont deux ans ferme pour détournement de fonds publics et à cinq ans d’inéligibilité, le Rassemblement national, encore sous le choc, s’organise pour mener une riposte ce mardi 1er avril. Face à ce que le parti qualifie de « scandale démocratique », il planifie de mobiliser son électorat et de sensibiliser le public en lançant une vaste offensive.
Le parti n’avait pas envisagé ce dénouement. Marine Le Pen elle-même ne s’y attendait pas. Même à la veille de la décision, malgré les réquisitions du parquet, les dirigeants du Rassemblement continuaient de voir en elle leur « championne », là même au château en 2027 après avoir remporté la présidentielle. Cependant, ils avaient promis de réagir en cas de condamnation compromettant sa capacité à briguer un poste électif. « Bien sûr qu’on ne se laissera pas faire », assurait le député des Vosges Gaëtan Dussausaye à 42mag.fr. « Il y aura une réaction, et la colère sera immense, pas uniquement chez nous, mais aussi chez des non-électeurs du RN », ajoutait-il. « Je participerai aux manifestations », annonçait son collègue Alexandre Sabatou, député de l’Oise. Mais ces plans, les partisans de Le Pen ne s’attendaient pas à devoir les concrétiser si rapidement.
Apparition sur les médias
Face à cette tempête médiatique, Marine Le Pen, qui a fait appel du jugement, est apparue sur le journal de 20 heures de TF1 le soir de sa condamnation pour s’adresser à huit millions de téléspectateurs, affirmant « Je refuse d’être écartée de cette manière ».
Dès le lendemain matin, ses proches occupaient les plateformes médiatiques matinales pour critiquer les magistrats. « Nous sommes sortis de l’État de droit », a déclaré Louis Aliot, vice-président du parti et lui aussi condamné, lors d’une interview sur RMC-BFMTV. En condamnant les menaces envers les juges, Jordan Bardella, président du RN, dénonçait sur Europe 1-CNews une « tyrannie judiciaire », accusant que « cela vise souvent un seul camp politique », en référence aux affaires impliquant Fillon et Sarkozy.
Une campagne de pétition pour faire pression
À l’Assemblée nationale, le groupe RN a ouvert sa réunion hebdomadaire à la presse mardi matin. « Nous allons organiser des mobilisations pacifiques et démocratiques », a promis Jordan Bardella devant une centaine de députés et d’eurodéputés avant de présenter une stratégie de réaction en privé.
« Nous allons informer toute la France de l’injustice de ce verdict politique contre nous et appeler à une résistance démocratique et pacifique : affichages, marchés, sponsoring sur les réseaux sociaux, mailing, pétition. »
Philippe Olivier, eurodéputé et conseiller de Marine Le Penà 42mag.fr
Lancée le 13 novembre après les réquisitions, une pétition a déjà recueilli « plusieurs centaines de milliers de signatures », selon Jordan Bardella mardi. Lorsqu’on l’interroge sur 42mag.fr, le parti préfère ne pas divulguer de chiffres exacts, affirmant : « il y a tellement de signatures que le site est saturé ».
Cette pétition est au cœur de leur offensive visant à mobiliser et influencer l’opinion. « Montrons le soutien du peuple contre cette décision », explique-t-on au QG où un tract, illustré par Marine Le Pen, grave, portant une écharpe tricolore, a été rapidement conçu. Distribués en « plusieurs centaines de milliers d’exemplaires », ces prospectus incitent à signer pour « protéger la démocratie » et « soutenir Marine ». Sans aborder la condamnation pour détournement de 4,1 millions d’euros, le tract critique une « dictature judiciaire » et oriente vers le site du RN et la pétition via un code QR. Le parti espère ainsi faire augmenter non seulement le nombre de signataires mais aussi recruter de nouveaux adhérents. « Le peuple a la capacité de faire pression », souhaite Alexandre Sabatou.
Des militants envisagent une manifestation à Paris
Pour une diffusion efficace de ce message, le parti mise sur ses fédérations et ses 156 parlementaires (123 députés, 30 eurodéputés et trois sénateurs). « Partout où vous irez, dites aux Français qu’ils peuvent compter sur nous, que nous serons là jusqu’à la victoire finale », a conseillé Marine Le Pen à ses partisans. Durant le week-end, Jordan Bardella a incité à rejoindre « les distributions de tracts et les réunions conjointes ». « Chaque parlementaire est encouragé à organiser une conférence de presse dans son territoire », a-t-il précisé, pour faire vivre les idées du RN dans les médias locaux. « Nous serons sur tous les marchés pour partager nos tracts, ce sera un week-end de mobilisation populaire », confirme Jean-Lin Lacapelle, ancien eurodéputé, qui projette d’être à Fleury-les-Aubrais (Loiret).
Le RN souhaite également galvaniser sa base. « Nous serons présents sur le terrain ces prochaines semaines », promet Jordan Bardella dans une lettre aux adhérents. « Ne laissez pas votre liberté vous être retirée », termine-t-il. Dès mardi, de nombreux militants ont arpenté les marchés pour faire signer la pétition, Jacqueline, retraitée à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), en tête. Dans la circonscription de Marine Le Pen, ils envisagent même de « monter à Paris pour une manifestation pacifique ». Un mot central pour le parti qui ne veut pas de débordements. Les directives pour éviter tout excès ont circulé. « Ordre est donné de respecter l’intégrité », confie un militant.
Il s’agit de préserver l’image des manifestations, conçues comme des preuves de force visant à influencer la justice pour obtenir une date d’audience en appel rapide, espérant ainsi qu’une issue plus clémente permettra à Marine Le Pen de concourir en 2027.