Le renvoi de douze membres du personnel diplomatique français de l’ambassade en Algérie, suivi des mesures de rétorsion prises par la France, illustre un nouvel épisode dans des rapports diplomatiques déjà très compliqués depuis l’été 2024.
Le mardi 15 avril, les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie ont franchi un nouveau seuil critique avec l’expulsion réciproque de 12 membres consulaires entre les deux nations au cours des deux derniers jours. Ce récent développement s’inscrit dans un contexte historique complexe et tumultueux qui a marqué la relation entre les deux pays baignés par la Méditerranée. Cette rupture actuelle n’est qu’un reflet d’une année ponctuée de tensions, de crises historiquement marquées par des échanges passionnés et des tentatives intermittentes de renouer le dialogue.
Pour comprendre cet événement, il faut revenir à l’été 2024, à un moment où Emmanuel Macron a adressé une lettre à Mohamed VI, roi du Maroc. Cette lettre marquait une étape décisive, celle de la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental, une région au cœur d’un conflit historique entre le Maroc et l’Algérie, cette dernière appuyant les indépendantistes du Front Polisario. Paris explique ce changement d’attitude par une certaine déception envers Alger, après des efforts infructueux de Macron pour établir un nouveau type de relations depuis son mandat présidentiel. En Algérie, ce geste est perçu comme une provocation, entraînant un rappel de l’ambassadeur algérien, avant de se confirmer lors de la visite présidentielle à Rabat à la fin du mois d’octobre.
Boualem Sansal, cristallisation des tensions
C’est dans ce contexte qu’a lieu l’arrestation de Boualem Sansal. L’auteur franco-algérien est interpelé à la mi-novembre à l’aéroport d’Alger et finalement condamné fin mars à cinq ans d’emprisonnement pour « atteinte à l’intégrité du territoire ». La justice algérienne lui reproche ses déclarations dans un média français de droite extrême, Frontières. Au-delà, Sansal, âgé de 80 ans et critique acéré du régime algérien, devient l’emblème des tensions entre les deux États.
Son cas illustre également comment les dynamiques de politique interne continuent de peser sur les relations diplomatiques. Plus de six décennies après l’indépendance, dénoncer l’ancienne puissance coloniale demeure une stratégie politique payante de l’autre côté de la Méditerranée, tandis qu’en France, la question algérienne provoque instantanément des réactions passionnées et des débats vifs, comme l’a récemment démontré la polémique autour des déclarations de Jean-Michel Aphatie.
Conflit autour des obligations de quitter le territoire
Un acteur résume à lui seul ces tensions : Bruno Retailleau. Présentant une approche rigide envers l’Algérie comme sa ligne politique principale, il est devenu la cible privilégiée du gouvernement algérien. « Tout ce qui est Retailleau est suspect », déclarait en février passé le président Algérien, Abdelmajid Tebboune, lors d’une remarque rare accordée à une publication française, où il dénonçait les « propos enflammés » du ministre français de l’intérieur.
Ces dernières semaines, la Place Beauvau s’est retrouvée au cœur des tensions, sur fond de conflit autour des obligations de quitter le territoire. Ce n’est que le dernier épisode d’une relation imprévisible et houleuse, dont on attend désormais le prochain moment d’apaisement.