En septembre 2020, le jugement concernant son ancien partenaire a eu lieu en son absence. Khadija, se sentant « dépossédée de l’ensemble de ses droits », a décidé de porter plainte contre l’État. La séance est prévue pour mercredi après-midi.
Elle a été « privée de l’opportunité de participer au procès ». Victime de violences domestiques, Khadija a entrepris de poursuivre l’État en justice. L’affaire est entendue en audience publique, au tribunal judiciaire de Paris, le mercredi 9 avril à partir de 14 heures. Le verdict sera rendu à une date ultérieure.
Dans un communiqué consulté par 42mag.fr, cette femme dénonce de « graves dysfonctionnements » dans le traitement judiciaire de son dossier, notamment le fait que son ancien compagnon ait pu être jugé pour viols et violences conjugales, devant la cour d’assises de Limoges (Vienne), du 23 au 25 septembre 2020, en son absence. Elle a donc, aux côtés de son avocate, décidé de mettre en cause « la responsabilité de l’État ».
Début du procès découvert via les médias
En avril 2017, Khadija a porté plainte contre son ex-compagnon pour actes de torture et de barbarie, ainsi que pour viols conjugaux. « Je ne compte plus les fois où mon visage et d’autres parties de mon corps ont été meurtris par ses coups », affirme-t-elle, joignant un certificat médical à sa plainte, document que 42mag.fr a pu consulter. Elle mentionne également une tentative de meurtre et des agressions sexuelles non consenties.
Son ancien compagnon, Khalid B., est renvoyé devant la justice en mars 2020 pour viol conjugal et violences habituelles sur concubin. Cependant, en raison du confinement imposé au plus fort de la pandémie de Covid-19, le procès est reporté de six mois.
Khadija, qui s’était constituée partie civile, indique n’avoir jamais reçu la notification du tribunal, envoyée à une mauvaise adresse. Le courrier a été expédié à son ancienne résidence, qu’elle avait quitté dès que cela lui avait été possible, selon son avocate, Pauline Rongier. Khadija découvre que le procès de son ancien compagnon a lieu en lisant un article de presse sur les réseaux sociaux. Lorsqu’elle contacte le tribunal, elle n’obtient aucune réponse : l’audience continue sans elle.
Khalid B. est finalement condamné à huit ans de prison pour violences conjugales, mais acquitté des charges de viol conjugal. Libéré en février 2024 après avoir purgé sa peine, il est expulsé du territoire français peu après en raison de son statut irrégulier, comme l’a annoncé Eric Dupond-Moretti, alors ministre de la Justice.
« Les victimes ne doivent pas être muselées »
« La cour d’assises de Limoges a privé Khadija de l’opportunité d’exprimer sa voix et de faire valoir ses droits. Elle s’est aussi privée d’un jugement éclairé », déclare Pauline Rongier à 42mag.fr, déplorant que « le discours de l’accusé » ait pu « se développer sans contradiction ». Actuellement, sa cliente affirme qu’il continue de la menacer via les réseaux sociaux, où elle est très active sous le pseudonyme « Khadija la combattante ». « La cour d’assises, en excluant Khadija de la salle d’audience, a traité des faits de viols conjugaux sans la présence de l’unique témoin : la victime. C’est une aberration judiciaire », ajoute l’avocate.
En droit français, une partie civile ne peut pas faire appel d’un verdict dans un procès pénal. Cependant, Khadija et son avocate ont quand même formulé plusieurs recours. Ainsi, une audience exceptionnelle s’est tenue le 26 mars 2021 devant la cour d’assises de Limoges, comme évoqué par France 3, mais toutes leurs requêtes ont été rejetées.
Khadija se tourne donc vers l’État pour tenter d’obtenir justice. « Reconnaître la responsabilité de l’État sera crucial pour rappeler que les victimes ne doivent pas être réduites au silence ni dénigrées dans les tribunaux », considère son avocate.