Le ministre de l’Intérieur a remporté une victoire qui s’apparente à un véritable plébiscite, puisque 75 % des membres de Les Républicains ont choisi de le soutenir plutôt que Laurent Wauquiez pour prendre la direction du parti. Cependant, malgré ce succès affiché, le Rassemblement National conserve une influence solide et continue de séduire une large partie de ses sympathisants.
Bruno Retailleau a clairement affiché son objectif : « un parti est fait pour gagner », a-t-il martelé le dimanche 18 mai, au soir de sa victoire à la tête des Républicains. Néanmoins, la droite fait face à une difficulté majeure : elle est actuellement trop affaiblie pour espérer l’emporter seule. Même si ces derniers mois ont vu un léger regain d’énergie, le souvenir douloureux de la candidature d’Agnès Pécresse à la présidentielle de 2022 — qui n’a obtenu qu’un peu plus de 4 % des suffrages — continue de peser lourd. Dès lors, la question cruciale demeure : avec quel partenaire la droite peut-elle aujourd’hui s’allier pour exister, peser davantage, voire remporter la présidentielle en 2027 ?
Bruno Retailleau a fait le choix stratégique de collaborer avec le centre macroniste en intégrant le gouvernement, un chemin déjà emprunté par Barnier puis Bayrou. Ce choix peut lui être crédité puisqu’occuper une place au ministère de l’Intérieur a constitué son principal levier pour s’imposer à la tête du parti. Sa large victoire a tranché net le débat autour de la participation ministérielle, et dimanche soir, il a réaffirmé son intention d’y rester. Pourtant, un pan important de la droite reste captivé par une autre piste : celle d’une alliance avec le Rassemblement national.
Il faut rappeler que la présidence de LR était vacante depuis le départ d’Éric Ciotti, survenu en 2024 au cours de la campagne des élections législatives. Le député des Alpes-Maritimes avait choisi de se retirer dans son bureau pour prendre seul la décision de rejoindre Marine Le Pen, sans réussir à rallier d’autres leaders de la droite. Finalement, il s’est retrouvé cantonné au rôle d’auxiliaire d’un RN qui a été battu. Malgré cet échec, le Rassemblement national conserve une forte attraction, particulièrement au sein de la base militante.
L’économie, dernier point de désaccord entre les deux formations
Le paradoxe réside dans le fait que Bruno Retailleau prétend résister à cette tentation d’une alliance avec l’extrême droite tout en adoptant sur les questions régaliennes un discours très proche, voire identique, à celui du RN. Concernant la sécurité, l’immigration, l’islam, la remise en cause de « l’état de droit » ou encore le conflit avec l’Algérie, ses prises de position ressemblent à un véritable copier-coller. D’ailleurs, tout comme son adversaire Laurent Wauquiez, qu’il a largement distancé, il reconnaît que les seules différences substantielles entre LR et le Rassemblement national concernent désormais les sujets économiques et sociaux.
Cette approche vise clairement à capter une partie de l’électorat du RN, mais elle comporte un double risque. D’abord, parce que le Rassemblement national pèse environ trois fois plus lourd que Les Républicains. En politique, quand un petit parti tente de copier un grand, c’est habituellement le grand qui tend à absorber les voix du plus petit. En 2007, par exemple, lorsque Nicolas Sarkozy avait réussi à attirer les électeurs de Jean-Marie Le Pen, la situation était inversée. Ensuite, si l’économie constitue désormais l’unique domaine qui sépare la droite de l’extrême droite, il suffirait que le RN ajusta son discours pour piéger LR à son tour. Or, c’est bien ce à quoi l’on assiste déjà, avec Jordan Bardella qui introduit une tonalité plus libérale, plus favorable aux milieux d’affaires, en vue de sa campagne présidentielle à venir.