Pendant le sommet Choose France, le chef de l’État français a fait part de son intention de supprimer cette directive européenne, dont la mise en œuvre était programmée pour 2028. Voici des précisions à ce sujet.
Changement de cap. Le lundi 19 mai, Emmanuel Macron a exprimé son souhait de voir abroger la directive européenne relative au devoir de vigilance, connue sous le sigle CS3D. Par cette prise de position, le président français rejoint la requête formulée par le nouveau chancelier allemand. « Nous sommes en total accord avec le chancelier Merz ainsi qu’avec d’autres partenaires pour accélérer nettement les démarches » en matière de simplification, a-t-il affirmé lors de son allocution devant les participants du sommet Choose France, ajoutant que « la CS3D et d’autres réglementations ne doivent pas simplement être reportées d’une année, mais purement et simplement abandonnées ». Fait notable, Emmanuel Macron avait auparavant soutenu cette norme tant au plan national qu’au niveau européen. Voici une explication détaillée.
La directive CS3D trouve son origine dans une loi française adoptée le 27 mars 2017, suite au dramatique incident du Rana Plaza survenu en 2013 au Bangladesh. Ce sinistre avait provoqué la mort de 1 130 personnes lors de l’effondrement de ce bâtiment situé à Dacca, abritant alors des ateliers de confection destinés à fabriquer des vêtements pour diverses marques occidentales.
Cette tragédie avait mis en exergue les conditions de travail catastrophiques auxquelles étaient exposés les ouvriers dans certains pays, poussant la France à imposer aux grandes entreprises l’obligation de veiller au respect des droits humains tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement, comme le rappelait Anne-Catherine Husson Traoré, directrice du média Novethic, lors d’une interview donnée à 42mag.fr en 2023.
Une législation française à l’origine de la directive européenne
Selon les explications fournies par le site Vie publique, cette loi « s’adresse aux entreprises et groupes ayant, pendant deux années consécutives, un effectif dépassant 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 à l’échelle mondiale. Ces entités sont tenues de concevoir, publier, appliquer et évaluer un Plan de vigilance. Ce plan a pour mission d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé, à la sécurité des personnes ainsi qu’à l’environnement dans toutes les sphères d’influence, incluant leurs filiales et sous-traitants ».
Cette législation s’est toutefois traduite par un nombre limité de sanctions, comme l’a souligné 42mag.fr en 2024. Bien que Total, Suez ou encore EDF aient été poursuivis par des ONG sur la base de la loi de 2017, aucun procès n’a jusqu’à présent abouti. La Poste détient à ce jour le triste statut de première et unique société française condamnée pour manquement à son « devoir de vigilance » en 2023, une décision que le groupe a contestée en faisant appel.
Une harmonisation européenne reportée
La directive européenne Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) a pour ambition de standardiser les règles à l’échelle de l’Union en s’appuyant sur le modèle français. Ce texte législatif, porté par la France durant sa présidence de l’UE en 2023 et soutenu par Emmanuel Macron, a été adopté en avril 2024 par le Parlement européen. « Son but est d’encourager une conduite durable et responsable des entreprises dans le cadre de leurs opérations et tout au long de leurs chaînes de valeur mondiales. Les nouvelles dispositions veilleront à ce que les entreprises concernées identifient et prennent en compte les impacts négatifs de leurs activités sur les droits humains ainsi que sur l’environnement, tant en Europe qu’au-delà de ses frontières », indique la Commission européenne sur son site.
Pourtant, comme le relève le site Toute l’Europe, alors que la mise en œuvre initiale de cette directive était programmée pour 2027, elle a déjà subi un premier report. « Son entrée en vigueur est désormais décalée à 2028 pour les grandes entreprises comptant plus de 5 000 employés et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros. Il en va de même pour les sociétés non européennes ayant un chiffre d’affaires comparable au sein de l’UE. Les entreprises employant au moins 3 000 salariés (avec un chiffre d’affaires supérieur à 900 millions d’euros) seront également soumises aux mêmes obligations à partir de 2028. »
Enfin, fin février, la Commission européenne a dévoilé son projet de loi Omnibus, un ensemble de mesures visant à simplifier divers textes sociaux et environnementaux appliqués aux sociétés, comprenant notamment des modifications au devoir de vigilance des entreprises.