Depuis le 28 avril, François Bayrou mène des consultations successives auprès des principaux partis politiques afin d’explorer la possibilité de mettre en place un système électoral différent pour le choix des députés.
Les rencontres à Matignon se poursuivent sans relâche. Depuis le 28 avril, le Premier ministre tient des entretiens successifs avec les principales formations politiques et les groupes parlementaires afin de recueillir leurs avis sur l’introduction d’un système proportionnel lors des prochaines élections législatives. Après avoir reçu le Rassemblement national, Horizons, La France insoumise ainsi que le Parti socialiste, ce sont désormais les représentants des Ecologistes qui sont attendus pour un rendez-vous avec François Bayrou, programmé le lundi 26 mai à 20 heures.
Les partisans du scrutin proportionnel défendent l’idée que ce mode de vote garantit une représentation plus fidèle de la diversité des électeurs au sein de l’Assemblée nationale. Depuis la mise en place de la Ve République, les députés ont été élus uniquement au scrutin majoritaire à deux tours, exception faite de l’année 1986. Cette année-là, François Mitterrand avait instauré un scrutin proportionnel, sans que cela ne suffise à empêcher la défaite des socialistes au profit du RPR mené par Jacques Chirac, qui remettra ensuite en place le scrutin majoritaire.
Pour parvenir à faire passer cette réforme, François Bayrou devra rallier des députés dans une Assemblée qui demeure largement partagée sur la question. Franceinfo propose un panorama détaillé des positions des différents camps politiques à ce sujet.
Une division au sein de la majorité présidentielle
• Une aspiration ancienne pour le MoDem. Depuis sa création en 2007, le MoDem, dirigé par François Bayrou, revendique depuis longtemps l’instauration du scrutin proportionnel. Le parti milite en faveur d’une application intégrale de la proportionnelle, organisée à l’échelle départementale, avec un seuil fixé à 5 % pour l’obtention de sièges, suivant le modèle qui avait été retenu lors des législatives de 1986. À la sortie de son entretien à Matignon vendredi, Marc Fesneau, numéro deux du MoDem, a naturellement défendu ce mode de scrutin qu’il considère comme « un bon chemin » vers un « pluralisme » politique renforcé et l’« esprit de compromis ». Il a également indiqué rester ouvert à l’idée d’instaurer un seuil minimum de députés à partir duquel la proportionnelle serait appliquée dans chaque département.
• Le groupe Ensemble pour la République privilégie le maintien du système actuel. En 2018, Emmanuel Macron avait évoqué la possibilité d’adopter un système mixte, avec une proportion de 15 % des députés élus à la proportionnelle, mais ce projet avait été abandonné. Lors de leur venue à Matignon le 1er mai en tant que représentants du camp présidentiel, Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve ont montré peu d’enthousiasme envers les plans du Premier ministre, jugeant que le système majoritaire existant était le « moins mauvais ». Au sein même du parti, les avis divergent quelque peu : la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est par exemple déclarée favorable à une proportionnelle appliquée dans les départements disposant d’au moins onze députés.
• Horizons se positionne frontalement contre. L’ancien Premier ministre et président du parti Horizons, Édouard Philippe, affiche également une opposition nette à ce mode de scrutin. Sur le perron de Matignon, il a estimé que la proportionnelle aboutirait à « une absence de majorité » stable et risquerait de « distendre le lien entre l’électeur et son député ».
Une gauche globalement favorable, avec des hésitations chez le PS et le PCF
Si le projet d’instaurer la proportionnelle faisait partie intégrante du programme du Nouveau Front populaire pour les législatives de 2024, les formations de gauche affichent aujourd’hui des positions divergentes sur ce thème.
• Les Ecologistes plaident pour une proportionnelle au niveau régional. Cette revendication est ancienne au sein des Verts. En juillet 2024, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel avait déposé une proposition de loi visant à introduire la proportionnelle basée sur des circonscriptions régionales. « On peut sans doute imaginer un découpage électoral plus adapté, mais pour faciliter la compréhension du débat, il vaut mieux partir d’un modèle déjà connu », avait-elle déclaré à 42mag.fr en janvier dernier. Le parti sera reçu par le Premier ministre le lundi 26 mai.
• La France insoumise défend également un système proportionnel régional. Lors de leur rencontre avec François Bayrou le 6 mai, Manuel Bompard et Bastien Lachaud ont exprimé leur préférence pour un scrutin « permettant à la fois de garantir la représentativité des différents courants politiques » et de répondre à « l’exigence de gouvernabilité (…) ainsi qu’à la représentation territoriale ». Pour le coordonnateur national de LFI, cette position rejoint celle des Ecologistes.
• Le Parti socialiste reste réservé. Oliver Faure, premier secrétaire du PS, a échangé avec le Premier ministre le 20 mai. « On nous a présenté plusieurs hypothèses de travail sur lesquelles nous allons désormais réfléchir, sans émettre de conclusion définitive à l’issue de notre rencontre », a-t-il confié à la sortie de la réunion. Le même jour, il rappelait sur France 2 : « On ne résout pas une crise politique en changeant un mode de scrutin. » En revanche, l’ancien président François Hollande se dit beaucoup plus favorable : « Personnellement, je suis désormais convaincu que ce mode de scrutin est nécessaire, à la lumière des élections récentes », avait-il déclaré sur RTL en septembre 2024.
• Place publique défend également une proportionnelle de type régional. Après une heure d’échange le vendredi 23 mai, Raphaël Glucksmann, coprésident du parti, a exprimé son appui à un mode de scrutin proportionnel régional : « La proportionnelle, c’est la clarté, l’esprit de compromis, l’honnêteté vis-à-vis des électrices et des électeurs. C’est aussi une représentation beaucoup plus démocratique que notre système actuel », a-t-il affirmé.
• Le Parti communiste demeure indécis. Pour Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, modifier le mode de scrutin n’est « pas la priorité » pour les citoyens, davantage préoccupés par leur « pouvoir d’achat ». Il a également qualifié de « un peu flou » le projet défendant une proportionnelle intégrale par département à l’image de 1986, tout en attendant de connaître « le texte complet » à ce sujet.
Les Républicains rejettent fermement l’idée
Depuis toujours, la formation de droite est opposée à l’instauration d’un scrutin proportionnel. Bien que Bruno Retailleau, nouveau président des Républicains, ne soit invité à s’exprimer sur ce dossier qu’en cours de semaine, son hostilité est déjà bien connue. « La proportionnelle est le moyen le plus sûr de ne pas offrir à la France une majorité », avait-il déclaré le 30 avril sur Europe 1 et CNews.
Son rival malheureux pour la tête du parti, Laurent Wauquiez, partage ce point de vue. « Je suis contre la proportionnelle », avait-il affirmé fin avril, à l’occasion d’une interview sur BFMTV. « Cela risque d’institutionnaliser un chaos politique qui deviendra la norme. »
Le Rassemblement national séduit par le scrutin proportionnel
Dès le début des consultations, Jordan Bardella et Marine Le Pen ont exprès affiché leur soutien à une réforme du mode de scrutin. Le Rassemblement national souhaite une proportionnelle intégrale, assortie d’une prime supplémentaire attribuée à la liste arrivée en tête. « Cette mesure garantirait un nombre de sièges majoré pour le parti vainqueur. “Cela permet de conjuguer proportionnelle et stabilité gouvernementale”, estime le député RN Laurent Jacobelli.
Toutefois, après leur entretien avec François Bayrou, les responsables du RN se sont dits prêts à accepter la proposition du Premier ministre, dont le texte ne prévoit pas de prime majoritaire. Marine Le Pen a déclaré : « La proportionnelle intégrale par département », comme en 1986, « nous semble être un moindre mal par rapport à un système majoritaire qui empêche aujourd’hui que toutes les voix des Français soient prises en compte ».