Marc Fesneau, allié de longue date de François Bayrou, exprime, dans les colonnes de La Tribune Dimanche, son opposition à ce qu’il qualifie d’une « escalade excessive ». Il évoque également une « trahison manifeste » du macronisme concernant les questions liées aux pouvoirs régalien de l’État. Pour lui, cette mouvance politique tend de plus en plus à adopter les arguments et les discours traditionnellement associés à la droite, voire à l’extrême droite.
Marc Fesneau, proche allié de François Bayrou, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale et ancien ministre, a fait sensation en pointant du doigt, dimanche 25 mai dans La Tribune Dimanche, une « escalade croissante » autour des questions régaliennes et sécuritaires. Il n’hésite pas à qualifier la démarche actuelle d’« une sorte de trahison » par rapport à l’esprit de la campagne macroniste de 2017. Selon lui, certains cadres influents du centre allient désormais « discours, idées et propositions venant de la droite, voire de l’extrême droite ». Marc Fesneau s’insurge notamment contre des mesures qui violent la Constitution ou le droit européen, qu’il considère comme une simple capitulation devant « la démagogie toxique ambiante ».
Gabriel Attal pris pour cible
Parmi les personnalités visées, Gabriel Attal est en première ligne. Ce dernier souhaite interdire aux mineures de moins de 15 ans le port du voile dans l’espace public. Le leader du parti Renaissance organisait justement le lundi 26 mai une convention consacrée aux questions régaliennes, lors de laquelle il devait annoncer une série de mesures répressives visant à « rétablir l’autorité ». Ce discours n’est pas une nouveauté chez Gabriel Attal, pour qui l’autorité est devenue un leitmotiv. On se rappelle notamment son fameux slogan : « Tu casses, tu répares ! Tu salis, tu nettoies ! », ainsi que son initiative emblématique d’interdire le port de l’abaya à l’école, qu’il considère comme un exploit majeur de son passage éclair au ministère de l’Éducation nationale.
Mais en ciblant le port du voile dans la sphère publique, il franchit un cap qui ouvre la porte à Marine Le Pen, qui milite pour une interdiction générale pour toutes les femmes sur tout le territoire. En cela, Gabriel Attal semble accentuer sa posture après la victoire électorale de Bruno Retailleau à la présidence des Républicains. On observerait ainsi que la montée en popularité du ministre de l’Intérieur et la pression du Rassemblement National influenceraient à présent les orientations politiques des macronistes.
Un tournant amorcé depuis le meurtre de Samuel Paty
Il est clair que ce recul par rapport à l’esprit initial de 2017 existe bel et bien, même si ce virage n’est pas nouveau. Dès octobre 2020, avec le discours d’Emmanuel Macron aux Mureaux sur le thème du séparatisme, suivi de l’assassinat de Samuel Paty quelques jours après, la politique a déjà pris une orientation plus ferme. De plus, Gérard Collomb, en 2017, lorsqu’il était en poste place Beauvau, demandait déjà des mesures strictes pour contrer la menace terroriste islamiste qui continue à tenter de s’établir dans certains milieux musulmans pratiquants.
Pourtant, huit ans auparavant, dans son ouvrage-programme Révolution, le candidat Macron adoptait un tout autre discours. Il jugeait superflue l’élaboration d’une nouvelle loi contre l’islam radical et proposait une politique de « reconquête positive de nos quartiers », visant à donner aux habitants un véritable rôle et un sentiment d’appartenance à une communauté solidaire et soudée autour des mêmes valeurs. Il souhaitait aussi que les débats relatifs à l’islam soient « abordés sans passion », de façon mesurée et rationnelle. Ce décalage illustre bien à quel point, en huit ans, tant le pays que le macronisme ont profondément évolué.