Lundi, Bruno Retailleau a fait parvenir une directive aux préfets afin de durcir les critères pour que les étrangers puissent obtenir la nationalité française. Cette nouvelle mesure vise à souligner l’idée que l’acquisition de la citoyenneté française doit être méritée.
Il est clair que le ministre de l’Intérieur a des attentes élevées : selon lui, « acquérir la nationalité française, ça se mérite ». Cela implique un « sentiment d’appartenance », comme l’a rappelé Bruno Retailleau le lundi 5 mai. Il a souligné trois critères essentiels pour l’accès à la citoyenneté : respecter les lois, maîtriser la langue et avoir des ressources suffisantes pour ne pas dépendre uniquement des aides sociales. Le ministre affirme avec insistance que sa directive marque « un tournant ».
Cependant, sur le fond, cette directive ne va pas engendrer de grands changements. Le test de français est légèrement plus exigeant, mais il n’y a pas vraiment de « rupture ». Ces conditions étaient déjà mentionnées dans les textes officiels précédents. Ce qui diffère, c’est le ton employé : plus ferme et sévère. « La naturalisation est une prérogative souveraine de l’État », souligne avec force Bruno Retailleau.
Un ministre en campagne électorale ?
En réalité, ce n’est pas seulement le ministre qui s’exprime, mais aussi le candidat à la présidence du parti Les Républicains (LR). Cette situation l’oblige à rivaliser sans cesse avec Laurent Wauquiez. Alors que le chef des députés LR envisage d’envoyer les étrangers sous OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, Bruno Retailleau se concentre sur la question des naturalisations. Dans ce duel impitoyable, l’étranger est utilisé comme un épouvantail, ou plutôt comme un moyen d’attirer le soutien des militants du parti LR.
Ce surenchérissement a des conséquences potentiellement dangereuses, en validant une nouvelle fois le discours de l’extrême droite. Le Rassemblement National (RN) vise régulièrement ceux qu’il qualifie de « Français de papier », qu’il considère, à tort, comme moins français. Le programme du parti lepéniste va jusqu’à vouloir interdire certains emplois aux binationaux, bien que cela soit déjà une réalité en cas de risques avérés d’ingérence étrangère.
Par ailleurs, le nombre annuel de naturalisations est en baisse depuis trente ans. Il est maintenant d’environ 50 000 personnes par an, soit à peu près 0,05 % de la population française. La naturalisation demeure un outil d’intégration efficace, d’autant plus pertinent que notre solde naturel démographique est presque nul. Refuser davantage de naturalisations aux résidents réguliers en France a un effet immédiat : cela augmente la proportion d’étrangers dans le pays, ce qui n’est probablement pas l’objectif visé par Bruno Retailleau.