L’entrepreneur français, désormais installé en Belgique, s’est abstenu à deux occasions de comparaître devant la commission parlementaire chargée d’examiner la clarté et l’équité du déroulement des élections. Son avocat a indiqué qu’il allait engager une action en justice en raison des nombreuses menaces de mort et des appels à la violence dont son client a été la cible.
Le conflit persiste entre le milliardaire Pierre-Édouard Stérin et l’Assemblée nationale. Après avoir manqué deux convocations, cet homme d’affaires est attendu mardi 20 mai pour répondre aux questions d’une commission parlementaire qui enquête sur la transparence des élections. La veille, il a fait savoir qu’il refusait de se rendre physiquement à l’Assemblée et souhaitait plutôt s’exprimer par visioconférence, une proposition rejetée par les députés.
1 Pourquoi le milliardaire insiste-t-il pour ne pas se présenter en personne ?
Officiellement, il invoque des motifs sérieux liés à la sécurité, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’hémicycle, arguant que les garanties nécessaires ne sont pas en place pour qu’il se présente devant la commission. Pierre-Édouard Stérin fait état de menaces à son encontre, et son avocat a annoncé lundi l’intention de déposer une plainte pour « une succession de menaces de mort et d’appels au meurtre » dont son client aurait été victime. Ces attaques seraient liées « aux récentes discussions sur la légitimité des engagements philanthropiques de Monsieur Pierre-Édouard Stérin ».
Me Louis Cailliez souligne que « des militants d’extrême gauche ont choisi de dépasser le cadre démocratique en prônant explicitement son assassinat comme moyen d’action politique ». De son côté, le milliardaire insiste pour s’exprimer depuis ses bureaux en Belgique, où il a établi son domicile fiscal, via une connexion vidéo.
Cependant, les députés dans la commission jugent cet argument « infondé » et rappellent que l’Assemblée assure la sécurité lors de visites de chefs d’État étrangers. Ils exigent donc que Pierre-Édouard Stérin se présente en personne à 11 heures mardi. À défaut, il risque des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 7 500 euros d’amende.
2 Quelle est sa relation avec les cercles catholiques et conservateurs radicaux ?
À 51 ans, Pierre-Édouard Stérin est le fondateur des coffrets cadeaux Smartbox et dirige le fonds d’investissement Otium Capital. Selon le magazine Challenges, il détient la 104e plus grande fortune de France.
Lors d’un entretien en février avec la cellule d’investigation de Radio France, il expliquait : « Mes parents m’ont donné 5 000 euros en 2003, qui sont devenus 1,4 milliard au 1er janvier 2025. Mon objectif est de porter cette somme à 5 milliards d’euros d’ici 2030. Je pense, pour le dire vulgairement, que plus d’argent signifie plus d’opportunités de réaliser de beaux projets qui œuvrent dans la bonne direction pour faire progresser la France. »
3 Quelle est la nature de « Périclès », la structure créée par le milliardaire qui intéresse tant les parlementaires ?
Fortement attaché à ce qu’il appelle le patriotisme économique, Stérin consacre une partie de sa richesse à la diffusion des valeurs ultra-conservatrices et ultralibérales. La commission enquête particulièrement sur « Périclès », créée en 2003. Cet acronyme signifie : « Patriotes Enracinés Résistants Identitaires Chrétiens Libéraux Européens Souverainistes ».
« Périclès » finance souvent à perte un vaste ensemble de think tanks, d’associations et de médias, pour la plupart engagés dans la lutte contre le wokisme, l’islamisme et l’immigration. Près de 90 initiatives ont bénéficié, ou recevront, un financement total de 28 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Arnaud Rérolle, directeur général de « Périclès », avait témoigné devant la commission le 6 mai, décrivant cette entité comme « une pépinière de projets métapolitiques » et évoquant « médias » et « think tanks » destinés à « créer », « diffuser » et « promouvoir des idées dans le débat public ».
Mais le principal objectif de « Périclès » est d’offrir un arsenal stratégique et idéologique pour unir les différentes factions de la droite, y compris l’extrême droite. Selon une feuille de route divulguée par L’Humanité, cette structure aurait signé un accord avec le Rassemblement national pour élaborer un plan visant à conquérir 300 municipalités lors des élections de 2026. Ce lien explique en partie l’insistance des députés à vouloir entendre Pierre-Édouard Stérin mardi, afin de discuter de « la transparence du processus électoral ».
4 Quelles questions les députés souhaitent-ils poser au milliardaire ?
Au cours des derniers mois, Pierre-Édouard Stérin a rencontré et interrogé de nombreuses figures de droite, telles qu’Éric Ciotti, Marine Le Pen, Jordan Bardella ou Bruno Retailleau. Antoine Léaument, député LFI et rapporteur de la commission, explique : « Nous souhaitons revenir sur ses liens avec des responsables politiques. A-t-il exercé une influence indirecte lors de la dissolution ? Quels rapports entretiennent certaines personnalités politiques avec M. Stérin ? Ce sont les questions abordées devant notre commission et qui concernent aussi l’ensemble de la nation, car si un individu peut recourir à son argent pour influencer une élection, cela dépasse le cadre légal fixé par la loi. »
Le milliardaire annonce vouloir investir encore davantage dans « Périclès » au cours de la prochaine décennie, afin d’en faire un projet toujours plus clairement politique.