Jeudi, l’Association des maires de France, en collaboration avec le Cevipof, mettra à disposition un rapport détaillé concernant les départs de maires de leurs mandats. Le document révèle que ce phénomène atteint un niveau sans précédent, avec un nombre record d’élus locaux choisissant de quitter leurs responsabilités. La cause principale de ces démissions est largement attribuée aux conflits et aux désaccords qui émergent fréquemment au sein des conseils municipaux.
Le nombre de maires qui démissionnent bat des records : près de 2 200 édiles ont quitté leurs fonctions depuis juillet 2020, date à laquelle les conseils municipaux ont été installés. Cela représente environ 6 % des maires en poste, une situation sans précédent selon l’Association des maires de France (AMF). Ce constat est détaillé dans un rapport publié jeudi 19 juin, réalisé en collaboration avec le Cevipof, et dont 42mag.fr a obtenu les résultats.
En moyenne, plus d’une démission par jour est adressée aux préfets. La principale raison invoquée dans près d’un tiers des cas (31 %) est la présence de tensions dans le conseil municipal. Le rapport souligne que, le plus souvent, ces conflits s’ancrent au sein même de la majorité municipale. Des anciens maires d’Indre-et-Loire ont accepté de partager leurs expériences auprès de 42mag.fr.
« Je ressentais un profond mal-être »
Bernard n’a occupé la fonction de maire que pendant un an et demi. Élu suite au décès de son prédécesseur dans une commune d’environ 250 habitants, il a rapidement constaté l’opposition de sa majorité à la plupart de ses initiatives. « Je commençais vraiment à me sentir très mal, » confie-t-il. Par exemple, je n’ai pas pu faire réparer la toiture de l’école qui était en mauvais état, ni changer les fenêtres des salles communales pour améliorer le chauffage et réduire la consommation énergétique… »
« C’était systématiquement refusé, sans explication. Il n’y avait plus de discussion. Or, sans débat, il n’y a plus de démocratie. »
Bernard, ancien maireà 42mag.fr
À la sortie des réunions du conseil municipal, il exprimait souvent son exaspération. « J’étais très contrarié. Il y a tant à faire pour préserver le charme du village tel qu’il est, » raconte-t-il. Puis un jour, des insultes lui ont été adressées, ce qui fut la goutte d’eau. Il a alors présenté sa démission, expliquant vouloir « protéger ma santé ». « Cela m’a profondément affecté pendant plusieurs mois. »
Un miroir de la société actuelle
Non loin de là, dans l’agglomération de Tours, Gérard a également renoncé à son mandat après quatre ans de gestion de sa commune de 3 500 habitants. Il déplore un isolement grandissant au sein de sa majorité. « Mon premier adjoint, je ne le voyais presque jamais. Les autres adjoints ne venaient qu’une fois par mois, » indique-t-il. Ce sont tout de même des personnes élues en même temps que moi, aussi je n’ai jamais fait de remarque. J’ai attendu trop longtemps avant de prendre des mesures fermes, comme retirer leurs délégations. Je pense que j’ai mal choisi mon équipe. »
Si cet ancien maire se dit satisfait d’avoir réussi à mener à bien la plupart de ses projets, ce n’est malheureusement pas le cas de Marie-Annette, une autre élue. Ses adjoints, en désaccord avec elle, ont choisi de quitter leurs fonctions. Cela a entraîné la tenue de nouvelles élections, qu’elle a perdues par la suite.
« Lorsqu’on construit un projet collectif, il est toujours difficile de voir des membres partir subitement. Cela crée du retard et complique la réalisation des initiatives en cours. »
Marie-Annette, ancienne maireà 42mag.fr
Jérôme Field, président des maires ruraux d’Indre-et-Loire, estime que ces situations reflètent simplement les dynamiques sociales actuelles. « Dans une commune de moins de 400 habitants, le conseil se compose de 11 membres ; dans celles accueillant jusqu’à 3 500 habitants, il peut comprendre jusqu’à 23 élus. Lorsqu’un maire rassemble une liste, il ne fait pas appel uniquement à ses amis, mais à des personnes qui lui inspirent confiance. Toutefois, ces membres peuvent s’épuiser ou avoir des raisons personnelles de s’absenter des conseils. C’est le fonctionnement naturel d’une équipe, à l’image d’une entreprise ou d’une association. » Il ajoute toutefois qu’une autre étude révèle que 70 % des élus ruraux étaient satisfaits de leur mandat.