Plusieurs responsables politiques exercent leur fonction depuis plus d’une décennie, mais ils gardent en réserve une éventuelle lettre de démission, restée enregistrée sur leur ordinateur. Ce jeudi, une enquête a mis en lumière le fait que la France est confrontée à un phénomène inédit de renonciation à leurs postes par un nombre important de maires, ce mouvement ayant commencé depuis l’instauration du mandat courant en juillet 2020.
Depuis le début du mandat actuel en juillet 2020, un nombre record de maires ont choisi de quitter leur poste en France. Près de 2 200 maires ont effectivement démissionné, ce qui représente environ 6 % de l’ensemble des maires élus, d’après une analyse réalisée par l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo, dont les résultats ont été rendus publics jeudi 19 juin par 42mag.fr, ICI, Le Monde et l’AFP. Les termes fréquemment employés par les élus lors des entretiens menés par ICI (anciennement France Bleu) sont « épuisés », « exténuant » et « coupés des habitants ».
Parmi les causes principales conduisant à ces départs, les « conflits au sein des conseils municipaux » sont souvent mentionnés. Laurent Leygue, maire de la commune d’Estavar dans les Pyrénées-Orientales, revient sur cette problématique lors d’une intervention sur ICI Roussillon (anciennement France Bleu). « Les conflits dans les conseils municipaux peuvent complètement démoraliser un maire, notamment à cause des tensions avec les adjoints. Cela ne fait qu’exacerber la situation », explique-t-il à propos de cette municipalité de près de 500 habitants située à proximité de la frontière avec Andorre.
L’élu partage également qu’il a envisagé de démissionner à plusieurs reprises : « Ma lettre de démission est conservée dans mon ordinateur », avoue-t-il. Maire depuis 2014, Laurent Leygue décrit l’évolution de ses fonctions. « Je fais partie de ceux qui sont réellement épuisés. À un moment, la pression devient insupportable, ce qui conduit à un état d’épuisement total. On est également submergé par toutes les réglementations en vigueur. Il ne faut pas oublier que ce poste n’est pas un métier à proprement parler, mais une fonction que l’on cumule souvent avec un emploi. Cela complique énormément la conciliation des deux », détaille cet enseignant au lycée de Font-Romeu.
« Jamais un moment d’ennui, mais une grande fatigue »
Pour sa part, Luc Maudet, maire des Vallées-de-la-Vanne, possède une expérience de 18 ans dans cette fonction. Selon lui, les rapports étaient plus directs auparavant. « On constate une rupture dans la relation avec les services de l’État », souligne-t-il à l’antenne d’ICI Auxerre.
Un autre facteur pris en compte est la santé des élus, un sujet qui concerne tout particulièrement Véronique Arnaud-Deloy, maire d’Apt dans le Vaucluse. « J’ai donné le meilleur de moi-même », confie-t-elle lors d’une interview sur ICI Vaucluse. « Être maire, c’est être à disposition sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On investit beaucoup de soi-même dans cette fonction. C’est extrêmement valorisant, c’est une mission magnifique. Je ne me suis jamais ennuyée, mais je ressens une grande fatigue ». Élue en juillet 2021, elle a assuré sur les ondes d’ICI Vaucluse que ce mandat sera le premier et le dernier pour elle. En revanche, « les agressions ne semblent pas constituer une cause majeure » de départ, selon les conclusions de l’étude menée par l’AMF-Cevipof.