Le nombre d’élus municipaux ayant choisi de renoncer à leur fonction de maire a connu une augmentation spectaculaire, étant multiplié par quatre, si l’on compare la période de mandat allant de 2008 à 2014 avec celle qui a débuté en 2020 et qui se poursuivra jusqu’en 2026. Cette montée notable des départs est principalement attribuée aux conflits internes qui surviennent fréquemment au sein des conseils municipaux, ainsi qu’à la question de l’âge avancé des maires, facteurs qui poussent de nombreux élus à abandonner leurs responsabilités avant la fin de leur mandat.
La France traverse actuellement une vague « inédite » de démissions parmi ses maires depuis le début du mandat en juillet 2020. Près de 2 200 élus, soit environ 6 % de l’ensemble des maires, ont choisi de quitter leurs fonctions, selon une analyse réalisée par l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. Cette étude, rendue publique jeudi 19 juin par 42mag.fr, ICI, Le Monde et l’AFP, intervient quelques mois avant les prochaines élections municipales.
Ce phénomène traduit « plus d’une démission journalière » et révèle que le nombre moyen d’abandons annuels a été « multiplié par quatre » entre la période 2008-2014 et celle en cours. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ces départs, notamment des « tensions internes aux conseils municipaux », des « successions planifiées » ou encore des soucis de santé des maires. En revanche, les « agressions ne semblent pas constituer un facteur déclenchant ».
Sur les 2 189 démissions volontaires de maires répertoriées entre juillet 2020 et mars 2025, diverses explications sont identifiées. Les départs volontaires représentent la majorité des cas avec 71 %, atteignant un pic de 613 en 2023. Néanmoins, cette augmentation s’inscrit dans une « saisonnalité récurrente induisant un pic de démissions à mi-mandat », observée également lors des deux mandatures précédentes. Certaines démissions sont liées à des causes involontaires telles que des décès (21 % des remplacements), des contentieux judiciaires devant le tribunal administratif ou le Conseil d’État (3 %), ou encore des fusions de communes (2 %). Les 3 % restants relèvent d’une catégorie « autres ».
Principale raison des départs : les conflits au sein des conseils municipaux
Trois motifs majeurs expliquent les démissions volontaires des maires. En premier lieu, les tensions dans les conseils municipaux, présentes dans 30,9 % des cas. Ces situations résultent de « désaccords, conflits, disputes ou différends », souvent survenant au sein de la majorité municipale. L’étude souligne que le contexte interrompu par la crise sanitaire lors des élections de 2020 a contribué à fragiliser la cohésion des équipes municipales.
La deuxième cause la plus fréquente concerne les successions programmées (13,7 %). Il s’agit d’un accord anticipé où le maire prévoit de céder la place au milieu de son mandat, souvent motivé par l’âge avancé ou la durée passée en fonction. Parmi ces passations de pouvoir, près de 42 % concernent des communes de moins de 500 habitants.
Le troisième facteur notable englobe la santé physique (13,1 %) et mentale (5,1 %). Une grande majorité de maires (83 %) considère que leur fonction est « éprouvante pour leur santé », tandis que 40 % rapportent vivre sous une forte pression. Plusieurs élus mentionnent des épisodes de burn-out, citant notamment les maires de Jouy-en-Josas (Yvelines), Périgueux (Dordogne) ou Beuveille (Meurthe-et-Moselle).
Les violences, un facteur mineur dans les démissions
Contrairement à ce que la médiatisation peut laisser penser, l’enquête indique que les violences, qu’elles soient physiques ou symboliques envers les maires, « ne constituent pas un facteur déterminant dans les démissions ». Moins d’une quarantaine de cas de violences ont été recensés, rendant « impossible, sur le plan empirique, d’établir un lien direct entre ces violences et les départs ».
En ce qui concerne le profil des maires qui démissionnent, l’étude dévoile une répartition équilibrée entre hommes et femmes. Ces élus sont souvent des retraités, les 65-74 ans représentant 37 % des départs, et plus de 75 ans comptant pour 52 %. Les maires fraîchement élus en 2020 constituent 53 % des démissionnaires, témoignant d’un « effet de désillusion » chez ces nouveaux acteurs de la vie locale.
Une forte fragilité des communes comptant entre 1 000 et 3 500 habitants
Sur le plan géographique, les communes les plus concernées par ces départs sont principalement de petites dimensions, avec 41,7 % des démissions qui ont eu lieu dans des communes de moins de 500 habitants. Toutefois, ce sont les communes situées entre 1 000 et 3 500 habitants qui apparaissent particulièrement vulnérables. Ces dernières subissent une « vague de démissions sans précédent », avec près d’un maire sur quatre quittant ses fonctions. Cette tendance est particulièrement visible en Île-de-France, en Isère, dans le Pas-de-Calais, le Nord, la Saône-et-Loire et la Haute-Garonne.
Pour conclure, les auteurs insistent sur le fait que « l’augmentation des départs pose la problématique du renouvellement et de l’attractivité » de la fonction de maire. La décision de ces élus de « jeter l’éponge » envoie un signal négatif, laissant percevoir ce mandat comme « ingrat, difficile, parfois même risqué ». Cependant, ils rappellent que l’engagement politique des Français demeure important, près d’un sur cinquante étant prêt, tous les six ans, à s’investir sur une liste municipale. Un engagement solide, qui reste néanmoins « fragile ».
Méthodologie :
Cette analyse a été réalisée par l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/Sciences Po, sous la conduite de Martial Foucault. Les données exploitées proviennent du Répertoire national des élus (RNE), pour la période 2020-2025, publiées par le ministère de l’Intérieur. Ce répertoire recense les changements de maires d’une année à l’autre, sans préciser les raisons. Les auteurs ont ainsi vérifié les causes à l’aide d’une revue de la presse régionale quotidienne et des déclarations des principaux concernés.