Le budget prévu pour 2026 sera élaboré en suivant le principe de l’année blanche, une mesure pensée pour ne pas impacter financièrement les contribuables. Cependant, il reste à voir si cette approche sera effectivement sans conséquence pour eux.
Le concept d’une « année blanche » sur le plan fiscal signifie qu’aucune nouvelle dépense publique ni recette supplémentaire ne serait enregistrée d’une année sur l’autre, ici en 2026 par rapport à 2025. En d’autres termes, si les propositions formulées par le Premier ministre François Bayrou sont adoptées, les finances publiques resteraient stables « à périmètre constant » avec notamment le gel du barème de l’impôt sur le revenu, le blocage des prestations sociales ainsi que des retraites. Cela implique que, pour les retraités, les pensions versées en 2026 resteraient identiques à celles perçues cette année. La même règle s’appliquerait également aux prestations sociales, etc.
L’ambition affichée est de limiter la hausse des dépenses publiques à un montant de sept milliards d’euros. Néanmoins, cela ne concerne que la théorie. En effet, le Premier ministre propose de figer les dépenses pour 2026 à l’exception du secteur de la défense et des frais liés au service de la dette. Or cette approche pourrait être remise en cause par deux éléments majeurs. Premier point, la situation internationale marquée par le conflit en Ukraine, qui mobilise les États membres de l’OTAN, dont la France fait partie, oblige à une révision annuelle de la contribution à l’effort militaire au sein de l’alliance atlantique. Deuxième point, la charge croissante de la dette publique. Les taux d’intérêt auxquels la France emprunte pour honorer ses engagements sont à la hausse, et cette tendance devrait s’accentuer dans les mois à venir.
Une équation difficilement tenable
Concrètement, il semble peu probable que cette promesse d’une année blanche soit tenue dans sa totalité. Imposer aux ministères des restrictions budgétaires tout en limitant le recrutement dans la fonction publique est une chose. Affirmer que les comptes publics ne bougeront pas malgré les incertitudes extérieures et l’alourdissement du coût du remboursement de la dette en est une autre, bien plus complexe.
Par ailleurs, si le gel des retraites et des impôts paraît simple en théorie, qu’en sera-t-il du pouvoir d’achat des travailleurs au SMIC, des petits revenus, des artisans ou des commerçants ? Pour illustrer, imaginons une famille qui décide de ne pas augmenter ses dépenses d’une année sur l’autre : comment peut-elle alors compenser la montée des prix, même légère ? Une étude de l’OFCE publiée en octobre 2024 avait évalué que le blocage du barème de l’impôt sur le revenu provoquerait une perte comprise entre 50 et 100 euros par an pour les ménages se situant autour du niveau de vie médian. Par ailleurs, les 380 000 Français actuellement non imposables sur le revenu seraient amenés à payer un impôt, étant déplacés dans la deuxième tranche d’imposition.
Sauf imprévu majeur, cette équation est donc vouée à ne pas fonctionner. De surcroît, comme l’a récemment souligné Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, une année blanche ne peut être envisagée qu’une seule fois dans un pays et ne constitue en aucun cas le moyen de lancer des réformes structurelles. En d’autres termes, cette mesure exclut une réforme profonde des politiques publiques, réforme pourtant essentielle pour la France à l’heure actuelle.