Depuis quelques jours, un mouvement visant à paralyser le pays dès la rentrée se propage largement sur les réseaux sociaux. Ce mouvement encourage notamment les citoyens à s’engager massivement dans des actions de boycott ainsi qu’à adopter des comportements de désobéissance civile pour faire entendre leur mécontentement.
« Nous n’avons plus rien à perdre, mais tout à gagner ». Ce slogan figure sur un tract largement diffusé depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, suscitant un grand écho. Il constitue un « appelle à la solidarité populaire pour un arrêt complet, national et illimité du pays dès le 10 septembre 2025 ». Cette initiative, portée par un collectif baptisé « Bloquons tout », a d’abord été propagée massivement par des comptes proches de l’extrême droite, tout en s’adressant ostensiblement à « tous ceux et celles qui en ont assez » afin de passer à l’action lors de la rentrée. « Nous, citoyennes et citoyens épuisés, invisibles, pressurisés jusqu’à la moelle, déclarons que nous refusons de faire tourner une machine qui nous broie », affirme notamment ce message.
Qui sont les instigateurs de cet appel ?
Les auteurs précis de cette invitation à une mobilisation le 10 septembre restent flous. Selon les journalistes de Checknews, les premiers appels sont apparus dès le 14 juillet sur les réseaux sociaux, notamment via le compte TikTok des Essentiels, un groupe défendant « une France souveraine », comme le rapporte Libération. Ensuite, des anciens acteurs des Gilets jaunes, à l’image d’Anaïs Albertini, ont relayé le mouvement avant qu’il se structure davantage avec la mise en ligne d’un blog intitulé mobilisation10septembre.blog.
Contacté par Le Parisien, un des organisateurs, qui préfère rester anonyme, indique que le collectif « mobilisation10septembre » serait constitué d’une vingtaine de membres ayant fait connaissance via les réseaux sociaux. Cet homme dans la trentaine, employé chez Enedis, assure que tous sont « apolitiques » et ne représentent aucun syndicat.
Qui relaie cette initiative ?
Interrogé sur la prédominance initiale de relais sur des comptes liés à l’extrême droite, l’interlocuteur contacté par Le Parisien nie toute affiliation partisane. « Ce mouvement n’est rattaché à aucun parti, aucune organisation, aucune étiquette. C’est un ras-le-bol général », affirme-t-il. « Si des individus venus de tous horizons s’y identifient, c’est parce que les attaques concernent tout le monde », ajoute-t-il.
En effet, cet appel a circulé aussi parmi d’autres milieux, comme celui des Gilets jaunes, mouvement politiquement difficile à classifier. Jérôme Rodrigues, figure emblématique de ce groupe, est très actif sur ses réseaux pour en assurer la promotion.
Par ailleurs, ce message a franchi les barrières politiques et a été diffusé par le compte Front Populaire LFI, non officiel mais se présentant comme un soutien au renouveau du front populaire. La députée LFI Rima Hassan a également relayé sur X une publication du compte Les Insurgés, composé de Gilets jaunes, qui donne rendez-vous pour le 10 septembre.
Un espace officiel de discussion nommé « Bloquons Tout ! – 10 septembre 2025 – Organisation » a été créé sur Telegram, une messagerie cryptée. Ce groupe comptait près de 2 800 membres au 25 juillet pour « s’organiser localement, se regrouper par villes ou régions, coordonner les actions du 10 septembre et proposer aide ou idées ». De nombreux échanges s’y déroulent, principalement pour discuter des modalités de la mobilisation.
On peut notamment y voir un message de Maxime Mayoral, décrit comme « admin », qui suggère de mettre en place « une cellule anti-désinformation » composée « d’une dizaine de délégués chargés de répondre aux fausses accusations médiatiques et gouvernementales ». Contacté par 42mag.fr, Mayoral, ancien candidat écologiste aux législatives dans le Sud-Ouest, revendique clairement son positionnement « à gauche ». « Je connais les mouvements sociaux, ma mère était syndicaliste », confie-t-il.
Les administrateurs du groupe, comme lui, publient régulièrement des consignes de modération invitant à éviter les « débats politiques stériles » et à mettre de côté « nos opinions personnelles », rappelant que le mouvement se veut « citoyen, sans étiquette, non lié aux partis ou syndicats ». Pourtant, cette ligne est difficile à appliquer, comme le montrent certains échanges. Un membre écrit : « Il me semble juste logique de ne pas vouloir de nazi dans un groupe qui se mobilise sur une cause, c’est tout ». Une autre personne, qui se dit militante RN, répond : « Je ne me sens pas nazie », tandis qu’un autre déclare que « le mouvement ne saurait être apolitique ». Un des derniers messages postés par un admin mettait en garde : « DERNIER AVERTISSEMENT – PLUS DE POLITIQUE ».
Quels sont les objectifs et revendications de l’appel ?
Sur le site du blog « mobilisation10septembre », on invite notamment à « dire non à l’austérité version Bayrou ». L’appel a réellement pris de l’ampleur à la suite des annonces du Premier ministre, qui voulait notamment supprimer deux jours fériés pour réaliser des économies. « On s’est dit qu’il était impossible de laisser faire ça », témoigne l’un des initiateurs dans Le Parisien. « Le gouvernement sacrifie nos acquis : deux jours fériés en moins, coupes drastiques dans la santé, gel des retraites, suppressions massives de postes dans le secteur public », dénonce le blog, qui décline ensuite trois mots d’ordre : « boycott, désobéissance, solidarité ».
Sur le terrain, le collectif propose différents modes d’action : interdire ses achats aux grandes chaînes qui bénéficient des aides publiques tout en exploitant leurs salariés, citant notamment « Carrefour, Auchan, Amazon ». Il suggère également de « retirer son argent des banques », de « refuser toute consommation », de « cesser tout travail » ou encore de « ne plus valider ses titres de transport ». Parmi les appels à la désobéissance civile figurent des initiatives comme le « refus collectif d’accomplir certaines obligations administratives », la « rétention » ou « ralentissement volontaire » des services publics
, ainsi que des « occupations pacifiques de lieux symboliques » tels que « préfectures, mairies, antennes de la CAF ou de France Travail ». Le mouvement prévoit aussi des « blocages ciblés » de sites stratégiques comme « routes, dépôts logistiques, grandes enseignes », tout en insistant pour que cela se déroule « sans violence ».