Le ministre de l’Intérieur a exprimé dans les colonnes de « Valeurs actuelles » son opinion selon laquelle ce mouvement politique prendra fin avec le mandat d’Emmanuel Macron. Cette déclaration s’inscrit dans un contexte où il lance régulièrement des critiques cinglantes à l’encontre du camp présidentiel, ce qui contribue à rendre les rapports entre les membres du gouvernement particulièrement tendus.
L’élastique est de plus en plus tendu, mais n’a pas encore cédé. Depuis près d’une année en poste, Bruno Retailleau a pris l’habitude de critiquer le camp présidentiel, faisant de cette posture une ligne politique régulière. Pour lui, désormais chef des Républicains depuis mai, le macronisme est une voie sans issue. Il a une nouvelle fois lancé dans les colonnes de Valeurs actuelles, le mardi 22 juillet, que ce mouvement « disparaîtra avec Emmanuel Macron, tout simplement », soulignant qu’il « n’est ni une idéologie, ni un vrai parti politique : il repose essentiellement sur la personne d’un homme ». Selon lui, « le concept du ‘en même temps’ ne fonctionne pas car il engendre de l’impuissance. »
Malgré son démenti devant les caméras mercredi concernant les rumeurs de tensions entre lui et Emmanuel Macron lors du Conseil des ministres du matin, ses propos ont suscité la colère dans le camp présidentiel, notamment chez les membres du parti Renaissance, qui voient d’un très mauvais œil qu’une figure clé du gouvernement dirigé par Bayrou s’en prenne aussi durement à leur camp. « Le macronisme est autant une idéologie qu’un parti politique. Tenter de diviser notre socle commun revient à affaiblir les barrières contre les extrêmes ! Gouverner ensemble demande du respect mutuel. », a répondu Elisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, sur X. Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail, a de son côté déploré sur RMC : « Nous devrions tous nous accorder un temps de répit. Ces paroles sont inutiles et blessantes dans le cadre d’une coalition gouvernementale et dans une période déjà complexe. »
Les Républicains défendent une « coalition de convictions »
Alors que les macronistes au gouvernement réaffirment farouchement leur soutien au macronisme, d’autres observateurs se montrent désormais moins surpris par ce genre de déclarations. « Bruno Retailleau, c’est dans son caractère. Ce n’est ni sa première ni sa dernière sortie polémique. Après son élection à la tête des LR, il promettait de se concentrer sur les municipales. Manifestement, ce n’est pas sa priorité », ironise un proche du Premier ministre auprès de France Télévisions, tandis qu’un autre partisan d’Emmanuel Macron répond sur un ton moqueur aux propos du ministre.
« Prédire la fin du macronisme, c’est déjà reconnaître son existence. C’est un progrès. »
Un proche d’Emmanuel Macronà France Télévisions
Le politologue Bruno Cautrès met davantage en lumière le « rythme » accéléré des déclarations publiques de Retailleau plutôt que leur contenu en lui-même. Le chercheur affilié au CNRS et à Sciences Po Paris explique que Bruno Retailleau « vise l’électorat de droite classique, notamment ceux qui avaient soutenu François Fillon en 2017, qui s’interrogent sur l’après-2027 ». Un conseiller ministériel ajoute que cette posture reflète « une difficulté à se positionner entre une présence au gouvernement et une opposition externe », évoquant un « problème de communication ».
Face aux critiques émanant du camp présidentiel, Bruno Retailleau a trouvé un soutien notable chez ses alliés des Républicains. Sophie Primas, interrogée mercredi matin sur TF1, a soutenu cette prise de parole en expliquant : « Ces déclarations servent à rappeler aux Français que notre gouvernement est un assemblage de plusieurs partis avec chacun leurs convictions propres, que nous ne sommes pas un bloc monolithique. » La porte-parole gouvernementale a assumé ces propos, semblables à ceux qu’elle avait tenus en mai dernier sur Europe 1, où elle envisageait que « le macronisme trouve probablement sa fin dans les mois à venir, à la fin du second mandat d’Emmanuel Macron ».
Ces propos, déjà très critiqués par les macronistes, avaient été exprimés seulement deux jours après la victoire de Retailleau contre Laurent Wauquiez à la tête des Républicains, une élection lors de laquelle ses adversaires lui reprochaient de siéger dans un gouvernement macroniste. Le Vendéen avait alors rapidement écarté ces accusations : « Entrer au gouvernement ne signifie pas se macroniser, ni se dissoudre, ni brouiller les lignes… Je reste gaulliste et fidèle à mes valeurs, je ne renonce à aucune conviction. » avait-il affirmé sur Europe 1, cherchant à trouver un équilibre délicat entre participation gouvernementale et préservation de son indépendance politique.
Des interventions au-delà du ministère de l’Intérieur
Le ministre a aussi indiqué qu’il ne voulait pas se restreindre aux dossiers relevant strictement de l’Intérieur, s’engageant dans un combat culturel élargi contre la gauche : « J’essaie, à travers des positions très claires, de gagner la bataille des idées. Je constate que les lignes bougent, et je prépare le terrain pour l’avenir. » Parfois, ces interventions provoquent des tensions au sein même du gouvernement, comme début juillet lorsqu’il appelait, dans Le Figaro, à « reconstruire un parc nucléaire et à arrêter de financer les énergies renouvelables », brocardant au passage « les hypocrites de l’écologie politique ».
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, avait vivement réagi sur 42mag.fr : « C’est dramatique, irresponsable, c’est du populisme basique. » Elle critiquait en réalité une stratégie plus large de son collègue, destinée selon elle à courtiser l’électorat du Rassemblement national : « L’important, c’est moins l’intérêt des Français que de capter des voix à droite et ailleurs. »
Bruno Retailleau s’est aussi impliqué dans les relations franco-algériennes, un dossier qui relève principalement du ministère des Affaires étrangères. Il dénonce fréquemment la position d’Alger concernant le refus d’accueillir certains ressortissants expulsés de France, ainsi que l’emprisonnement de l’écrivain Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes. « Il faut adopter un nouveau ton, auquel le pouvoir algérien doit s’attendre, un rapport de force assumé que j’accepte dès le début de cette crise, » avait-il affirmé dans Le Figaro vendredi.
« La diplomatie des bons sentiments a échoué. »
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieurau « Figaro »
Ce commentaire, adressé implicitement à Jean-Noël Barrot, ministre MoDem des Affaires étrangères, n’est pas resté sans réaction. Ce dernier a répliqué sur X vendredi : « Il n’existe ni diplomatie des bons sentiments, ni diplomatie du ressentiment. Il y a simplement la diplomatie. » Sous-entendant ainsi un désaccord avec son homologue de Beauvau.
Un départ envisagé dans un futur proche ?
Le mystère demeure quant à la stratégie à venir du leader des Républicains : envisage-t-il de quitter prochainement le gouvernement pour critiquer plus ouvertement le macronisme et ses partisans, tout en préparant la présidentielle de 2027 ? « Je refuse qu’on me mette les mains liées. Les Français savent que notre marge de manœuvre est limitée mais souhaitent que nous soyons efficaces. Tant que mon utilité est reconnue, je poursuivrai mon engagement, » a-t-il averti dans Le Figaro vendredi.
Un stratège de l’exécutif a de son côté avancé auprès de 42mag.fr que « la question n’est pas si Retailleau va partir, mais quand. » Selon lui, le président des LR ne soumettra pas sa démission à François Bayrou avant d’avoir produit des résultats à Beauvau. « Cela pourrait attendre la période budgétaire ou les municipales. S’il part avant, il pourra affirmer qu’il a choisi lui-même de s’en aller, » envisageait ce conseiller ministériel.
Certains macronistes pressent même Retailleau de jeter l’éponge dès maintenant. « Depuis huit ans, Les Républicains annoncent la fin du macronisme, et ils enchaînent les défaites électorales. Si Bruno Retailleau est gêné par la présidence Macron et son mouvement, il peut très bien rendre son poste au gouvernement, » a lancé mercredi sur X Pieyre-Alexandre Anglade, député de la majorité.
Pour l’heure, il ne semble pas question que Bruno Retailleau démissionne, assure un de ses proches à France Télévisions. François Bayrou, qui le co-dirige au gouvernement, n’envisagerait pas non plus de voir l’homme fort des LR partir à brève échéance, d’autant que celui-ci doit rencontrer Emmanuel Macron jeudi. « Si les ministres font leur travail, cela ne pose aucun souci au Premier ministre, » glisse un proche du Béarnais. « Or, Bruno Retailleau est un homme intelligent, il accomplit ses missions. »