Le chef du gouvernement organise une conférence de presse très attendue afin de présenter un plan budgétaire qui s’annonce particulièrement strict. Bien qu’il ait souhaité s’éloigner des méthodes traditionnelles, le risque d’une motion de censure à l’approche de l’automne reste bien présent.
Dans seulement quelques heures, François Bayrou dévoilera ses cartes. Le Premier ministre présentera son projet de budget pour 2026 à Matignon, ce mardi 15 juillet à 16 heures. Depuis plusieurs semaines, il travaille discrètement sur ce dossier en faisant croître la pression autour de ses intentions. Son but est clair : dégager 40 milliards d’euros d’économies afin de « sortir du cercle vicieux du déficit et de l’endettement ». Il devra pourtant convaincre une Assemblée divisée en trois groupes politiques, qui ont chacun posé leurs conditions et fixés leurs lignes rouges pour le budget. Après avoir franchi un premier obstacle ardu en obtenant le vote du budget 2025 en février, le chef du gouvernement s’attaque maintenant à un second défi majeur, au risque d’être censuré comme son prédécesseur s’il ne réussit pas à trouver un compromis au Parlement.
Dès le printemps, François Bayrou a commencé à préparer l’opinion à une période budgétaire particulièrement exigeante. À la mi-avril, il a tiré la sonnette d’alarme sur la « situation financière intolérable » des comptes publics et mis en garde contre le « piège périlleux de la dette », lors d’une conférence de presse très suivie. Cette initiative a été présentée par le gouvernement comme un exercice inédit de transparence, tandis que l’opposition y a vu une mise en scène. Par ailleurs, Bayrou a profité de cette occasion pour marteler son message auprès des citoyens, qu’il envisageait même de consulter à travers un référendum. « La dette figure parmi les préoccupations principales des Français », souligne un conseiller du ministère de l’Économie et des Finances, signe selon lui que la stratégie de communication du Premier ministre porte ses fruits.
Consultations successives et incertitudes persistantes
Le leader centriste cherche ainsi à accentuer la pression sur les différents groupes parlementaires, qu’il a pris soin de faire auditionner un à un à Bercy. Cette démarche tranche avec celle de son prédécesseur. « Michel Barnier ne nous avait jamais consultés. Nous avons imposé une nouvelle méthode au gouvernement », se félicite un responsable socialiste. « Habituellement, nous recevons le projet de budget seulement la veille de sa présentation au Conseil des ministres à la rentrée, sans aucune concertation préalable avec les oppositions, voire même parfois avec la majorité », rappelle Charles de Courson, député Liot et rapporteur du budget. Cependant, à l’issue de ces consultations, les parlementaires regrettent de ne disposer d’aucune information concrète quant au contenu du budget futur ni de garantie que leurs propositions seront intégrées. « Tout cela paraît très artificiel », déplore Jean-Philippe Tanguy, député du Rassemblement national. La France insoumise, quant à elle, estime « que le dialogue n’est qu’une façade », selon Eric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée.
Du côté des représentants du bloc central, aucun détail n’a filtré, et ils préfèrent formuler des hypothèses dans l’attente du 15 juillet. « Je ne serais pas surprise que nous ayons affaire à un budget extrêmement strict, et que François Bayrou joue sur les contradictions de tous les groupes parlementaires, y compris le nôtre », avance Olivia Grégoire, députée Renaissance. « L’an dernier, Michel Barnier avait seulement quinze jours pour préparer son budget. François Bayrou, lui, a eu beaucoup plus de temps, ce qui lui a permis de consulter, mais à un moment donné, il faut aussi qu’il prenne position clairement, car gouverner signifie faire des choix », s’impatiente un député Les Républicains.
Plusieurs hypothèses ont effectivement été évoquées par l’exécutif, telles que la mise en place d’une année blanche ou la suppression de certaines niches fiscales.
« Il y a de nombreuses pistes lancées de part et d’autre, mais on est encore dans une grande incertitude. »
Un proche d’Édouard Philippeà 42mag.fr
Tous les ministères ont été sollicités pour dénicher des opportunités d’économies dans leurs domaines respectifs, mais aucune réponse officielle concernant les options retenues n’a fuité. Lors d’une réunion mercredi soir à Matignon, les membres du gouvernement présents ont été surpris de constater que François Bayrou n’avait pas évoqué ce sujet.
Une phase préparatoire avant la reprise des travaux parlementaires
Jusqu’à la dernière minute, François Bayrou a voulu garder confidentiel le contenu précis de sa feuille de route. « On ne sait rien, aucun détail n’a filtré », s’étonnait un ministre dans les jours précédant la date butoir. Après avoir mené les concertations, Bercy a remis à Matignon un document proposant 40 milliards d’euros d’économies, mais Bayrou a repris la direction des opérations avec un cercle restreint proche de lui. « Tout se construit dans une sorte de boîte noire », rapporte un conseiller de l’exécutif.
« C’est un secret hermétique pour éviter toute fuite. Ce sera véritablement le budget de Bayrou. »
Un conseiller de François Bayrouà 42mag.fr
Le Premier ministre répète inlassablement son objectif : mettre en place un plan étalé sur quatre ans afin d’atteindre un stade « où la dette ne croît plus », comme il l’a expliqué jeudi sur LCI. Le niveau d’endettement de la France, sujet central de sa campagne depuis sa candidature présidentielle en 2002, a franchi la barre des 114 % du produit intérieur brut, contre 100 % en 2017. Pour inverser cette tendance, il envisage de ramener le déficit de 5,8 % à 4,6 % en 2026, au prix de mesures qui risquent d’être très impopulaires. « Ce sera forcément source de controverses. Chercher à économiser 40 milliards, c’est toujours sujet à débats », admet un conseiller, ajoutant qu’un travail est en cours pour faire en sorte que ces économies paraissent équitables aux yeux des Français.
Conscient de la gravité de la situation, le centriste n’a pas hésité à durcir le ton. « Il est indispensable de dire la vérité. Je ne chercherai pas la paix sociale au prix du mensonge », déclare-t-il au magazine Le Point. « Ce que je vais annoncer est inédit en France, personne n’a jamais osé aller aussi loin ». Cette posture contribue à renforcer la tension avant la conférence de presse prévue le 15 juillet, dont la date a été choisie stratégiquement pour préparer le terrain en vue des discussions parlementaires de la rentrée.
« Nous devons composer avec une majorité hétérogène et des groupes d’opposition. Cela requiert une approche différente, d’où la création d’un rendez-vous inédit avant l’été », explique un conseiller du ministère de l’Économie et des Finances. « Cette présentation anticipée permet également de disposer d’un mois et demi avant la rentrée pour que les choses puissent mûrir », complète un autre conseiller au sein de l’exécutif. Cependant, cette date fixée seulement quatre jours après le début des vacances parlementaires provoque une réaction vive de l’opposition. « C’est une stratégie grossière. S’il s’imagine que le temps fera passer la pilule et que nous serons satisfaits à la rentrée, il se trompe », avertit un député RN, ajoutant « La rentrée sociale s’annonce très chaude ! »
« En cas d’impasse, il pourrait choisir de démissionner »
Le véritable test se jouera à l’automne lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, dès octobre. Cette échéance provoque déjà beaucoup d’appréhensions chez les parlementaires du bloc central. « J’ai beaucoup de mal à croire que ce palier sera franchi, surtout après les mises en garde sévères de François Bayrou », confie un cadre d’Horizons. « Il est contraint de soumettre des mesures drastiques, avec le risque d’avoir lui-même créé un terrain propice à l’échec ». Pour parvenir à un compromis, Bayrou pourrait utiliser une méthode qui lui est propre. « Si les parlementaires souhaitent soumettre des propositions, un dialogue pourrait s’instaurer, sur le modèle du ‘conclave’ utilisé pour la réforme des retraites. Mais cela devra impérativement s’inscrire dans un cadre d’économies à hauteur de 40 milliards, il n’est pas question de faire moins », précise son entourage, avant d’ajouter : « Il mènera ce combat jusqu’au bout ». « Nous avons clairement dit aux oppositions : on ne promet pas 40 milliards pour ensuite accepter 30, ce n’est pas un marchandage », souligne un conseiller gouvernemental.
Étant donné les lignes rouges posées par la gauche, le Rassemblement national et le groupe du socle commun, qui sont difficilement conciliables, parvenir à un consensus apparaît extrêmement compliqué. Un rejet du budget constituerait également l’échec de la stratégie de Bayrou depuis sa prise de fonction. « En cas de censure, ce sera l’Assemblée qui portera la responsabilité des déficits et de sa propre lâcheté », lance un conseiller de Matignon. « Je crois qu’il existe une toute petite voie, et que Bayrou peut la dégager. Mais si le blocage persiste sur les 40 milliards, il est prêt à partir, à la manière de Pierre Mendès France », anticipe un membre de La République En Marche, évoquant le scénario d’une démission du Premier ministre, comme l’ancien ministre du gouvernement Coty en 1956, plutôt que de renoncer à son projet d’assainissement des finances publiques. Ce départ plongerait alors le pays dans l’incertitude, rappelant les turbulences de l’hiver dernier.